anatomie des possibles: qu’est-ce qu’un “BON“ possible?

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les deux dimensions d’un possible

 

Un possible est une hypothèse d’aujourd’hui qui nous parle de demain.

Dans sa dimension actuelle, un possible s’évalue comme une information

• susciter ou non l’attention

• apporter des éléments de connaissance ou de réflexion

• susciter l’adhésion, le scepticisme ou le rejet

• servir ou desservir un intérêt particulier

Comme évocation d’une promesse ou d’un risque, il pèse sur les débats du présent.

Comme toute information, il côtoie la publicité, la propagande, l’idéologie.

 

Vu comme une anticipation, le contenu de ce possible s’évalue selon

• son poids présumé dans les pratiques futures

• son positionnement par rapport à des tendances (sociales, économiques, technologiques…)

• son positionnement par rapport à d’autres possibles

Il compose avec la controverse, l’innovation, le bon sens, l’évolution, l’inédit… et bien d’autres choses.

Possible_Anatomie

Les deux dimensions du possible n’ont aucune raison d’être compatibles: un “bon“ possible sur le plan de l’anticipation peut être rejeté comme information… ou inversement… ou ne trouver sa justification que sur un nombre réduit de paramètres, voire sur un seul, comme nous allons le voir à partir d’exemples.

 

10 possibles bruts

 

Le passage par l’expression brute nous permet de nous questionner préalablement sur la première composante des possibles vus comme information, leur “effet d’annonce“, susceptible d’influencer notre attitude initiale et par là notre future analyse. Cet effet immédiat, évidemment variable selon les individus, peut néanmoins se prévoir dans les grandes lignes: les possibles 09 et 10 susciteront probablement une certaine indifférence, les possibles 01, 02 et 07 une certaine adhésion, les possibles 03 et 08 un certain scepticisme. Certains vont immédiatement apparaître comme plus plausibles que d’autres… à tord ou à raison.

possible 01: Des villes nouvelles seront créées au milieu des océans pour héberger les élites sociales et les sièges des multinationales?

possible 02: Le corps humain va incorporer une quantité croissante de composants artificiels

possible 03: Les individus communiqueront par réseaux télépathiques

possible 04: L’homme, modifié génétiquement, n’aura plus besoin de chauffage

possible 05: Les émissions de carbone seront réduites par une reforestation rapide permise par les OGM.

possible 06: Les humains vont se ressembler de plus en plus

possible 07: L’écriture manuscrite va tomber en désuétude

possible 08: L’écriture manuscrite va redevenir le mode de communication privilégié en entreprise

possible 09: L’alimentation lyophilisée va se généraliser

possible 10: Le cancer sera définitivement vaincu

Le lecteur aura remarqué que cette liste s’organise selon des groupes dont nous allons préciser la nature.

 

l’analyse des exemples

 

possible 01: l’île aux milliardaires 

Ce scénario (source) nous présente une image forte, représentation d’une société duale poussée à l’extrême, où les élites ont rompu toute attache avec ceux qui les servent. Les îles, espaces à haute valeur symbolique et lieu de nombreux paradis fiscaux actuels, Manhattan pour les sièges, Davos pour le regroupement, autant de pré-acquis qui renforcent la crédibilité de cette représentation.

Le fait que les milliardaires et leur paradis fiscaux soient concentrés ou éparpillés n’ayant évidemment aucune importance, ce possible ne nous renseigne en rien sur le futur. Il ne se réfère qu’à la réalité d’aujourd’hui dont il nous livre

• une image suffisamment forte pour attirer l’attention

• un scénario suffisamment accompli et une idéologie suffisamment ambiguë pour permettre l’adhésion.

Son annonce par une personnalité reconnue lui suffirait pour une large approbation.

Un possible très bien admis peut donc se réduire à une simple expression symbolique.

 

possible 02: l’humain artificiel

L’exemple de ce scénario permet d’aborder les deux dimensions du possible présentées en introduction

Tout en s’appropriant les mérites de la pondération, ce possible bénéficie des effets d’annonce du transhumanisme radical (beaucoup plus large dans son propos)  et de sa maxime icône, celle de Freeman Dyson : «L’humanité me semble un magnifique commencement, mais pas le dernier mot.». Il s’approprie, en outre, les arguments des recherches en robotique et en intelligence artificielle. (voir le dossier triptyque de CNET: “l’homme augmenté“, “l’homme réparé“, “l’homme amélioré“)

Du point de vue de l’anticipation, il se réfère à des progrès attendus à partir de pratiques courantes (prothèses de tout type d’organes en chirurgie médicale ou esthétique, prothèses sportives pour les handicapés…, amélioration de la vue, des sens…)

Le travail sur ces différentes interprétations s’appuiera sur des questions comme:

• Qui a intérêt a devenir un homme-machine ?

• Qui a intérêt à disposer d’hommes-machines et pour quoi faire ?

• Qui paiera tout cela sachant que la tendance de la protection sociale n’est pas à “reconstruire en version améliorée“ une proportion significative de la population, et que rien ne permet de penser qu’elle s’inversera dans le futur.

• …etc

 

possible 03: la télépathie

Ce scénario correspond, en première analyse, à l’exemple même du délire futurologique. Les connotations attachées à la télépathie pénalisent lourdement l’approche et le simple bon sens commande de penser que si l’humain avait accès à cette capacité il en disposerait depuis toujours… et cela se saurait.

Cependant…

Il faut noter les réussites récentes de multiples expériences de pilotage d’appareils par la pensée (3 exemples): “un fauteuil roulant“, “une console de jeux“, “un hélicoptère“…

Envoyer des messages par ondes cérébrales est donc possible, les envoyer à un ordinateur capable de les transformer et de les transmettre en message compréhensible par l’humain également, de même que miniaturiser ce dispositif pour le positionner, par exemple, derrière une oreille. La possibilité future d’une communication télépathique assistée par la machine ne constitue donc pas une aberration technologique. Cela pourrait même être bon marché.

Ce possible souffre cependant d’un handicap: à l’inverse d’une majorité d’autres,il ne nous parle que du futur et très peu du présent où il apparaît à la fois trop rebattu pour fonder un effet d’annonce et trop étranger aux idéologies et aux intérêts économiques du moment. Pourtant, sur le strict plan de l’anticipation, il n’est pas plus improbable que le précédent… ou que les suivants.

 

possibles 04, 05, 06: la génétique

Ces trois possibles constituent une déclinaison de futurs liés aux manipulations génétiques, débat très actuel sur lequel nous sommes fortement conditionnés. Affectant un domaine sensible, ces possibles n’auront sans doute aucune peine à susciter l’intérêt. Susciteront-ils l’adhésion?

l’homme, modifié génétiquement, n’aura plus besoin de chauffage

Dans ce scénario, un problème écologique est utilisé pour en résoudre un autre, celui du réchauffement climatique. Par ailleurs, cette manipulation des gènes va dans le sens du retour à un état ancien. L’humain retrouverait, grâce à la science, une capacité d’adaptation thermique qu’il est probablement le seul à avoir perdue dans le monde vivant. Dans ce cas, le caractère anti-naturel de l’intervention génétique pose question.

Les émissions de carbone seront réduites par une reforestation rapide permise par les OGM.

Il s’agit, là encore, d’utiliser la génétique pour résoudre le même problème écologique que précédemment, mais à partir d’un processus inédit dans la nature. Dans ce cas, l’effet induit incontrôlé va rapidement s’imposer dans les esprits. De plus, les entreprises liées aux OGM sont bien identifiés et un scénario de ce type sera vite considéré comme une forme de publicité de leur part.

Les humains vont se ressembler de plus en plus

La procréation médicalement assistée (PMA) permettra de choisir les caractéristiques physiques du futur adulte. Chacun optera évidemment pour les profils les plus valorisés socialement, afin de donner à son enfant le maximum de chances de réussite. Même les procréations traditionnelles devront alors composer avec des traits de plus en plus dominants.

Ici, le débat sur les manipulations génétiques va se télescoper avec celui sur la PMA et donc sur des droits de minorités, le tout sur fond d’unification de la race, idée phare de l’extrême droite. La dimension écologique de la question va vite passer au second plan.

Bien que la plus ou moins grande probabilité d’un possible ne dépende pas des controverses d’aujourd’hui, celles-ci peuvent peser sur la simple possibilité de l’exprimer. Qui propose ou défend un possible sera souvent vu comme s’étant mis au service d’une cause. Ainsi, la carrière de ces trois “possibles cousins“ va dépendre davantage des débats actuels, dont ils sont des composants à part entière, que de leur valeur d’anticipation.

 

possibles 07, 08: l’écriture manuscrite

Un possible plus ciblé et moins sensible parlera généralement davantage du futur que du présent. Nous y retrouverons des problématiques plus spécifiquement futurologiques donc plus ancrées sur une lecture des tendances.

L’écriture manuscrite va tomber en désuétude

La tendance est limpide. On écrit de moins en moins, des textes de plus en plus courts, et de plus en plus systématiquement au clavier. L’équipement papier d’un bureau se réduit au post-it. L’écriture manuscrite va se perdre en tant que compétence. Les gens écriront de plus en plus mal par manque d’entrainement, accélérant encore le processus.

les points durs

Dans leur dimension anticipatrice, les possibles concurrents s’articulent généralement autour d’un ou de plusieurs “points durs“ par rapport auxquels ils doivent se positionner. Dans cet exemple:

• L’apprentissage de l’écriture manuscrite, défendu bec et ongle au niveau de l’école, va maintenir cette compétence dans la population

• le clavier est le plus encombrant des périphériques. Le virtualiser ou le réduire le rend inconfortable. L’exclure reste difficile – sauf en passant par des interfaces vocales rarement compatibles avec les exigences de l’environnement.

On voit que le positionnement de notre premier scénario par rapport à ces deux points durs pose problème.

L’écriture manuscrite va redevenir le mode de communication privilégié en entreprise

Les progrès réalisés dans le domaine de l’intelligence artificielle amènent à penser que les machines vont progressivement devenir capables de comprendre n’importe quel signal (oral, écrit, manuscrit ou non…) et de le convertir, en temps réel, en n’importe quel autre (corrections et traductions comprises). Le canal de départ de la communication n’importera plus.

L’écriture manuscrite va alors s’imposer:

• intuitive et rapide

• bien adaptée aux textes courts parsemés de schémas

• susceptible d’être automatiquement convertie et mise en page sur des écrans projetés

• bien adaptée, en réunion, aux expressions simultanées sans cacophonie (outil de productivité)

• bien adaptée à la traduction en temps réel dans un environnement multilingue

• susceptible d’être reconnue par la machine comme une micro-gestuelle, sur n’importe quel support

Cette évolution motivera des recherches grâce auxquelles de “nouveaux papiers“ et de nouveaux crayons, appuyés sur les nanotechnologies, ouvriront la voie à de nouveaux usages et de nouveaux algorithmes, confortant la domination de ce mode de communication.

Nous reviendrons sur ces futurs alternatifs dans un billet prévu pour être complémentaire à celui-ci et qui s’efforcera de préciser l’approche déjà abordée de la question «qu’est-ce qu’une “bonne“ tendance ?».

 

possibles 09, 10: futurs antérieurs

Ces deux possibles, qui aujourd’hui intéressent peu, faisaient partie il y a un demi-siècle du peloton de tête des possibles les plus cités et les mieux admis. Dès les premiers cosmonautes partis avec leurs rations lyophilisées, le futur de l’alimentation semblait scellé. Il marchait main dans la main avec les déplacements à la vitesse de la lumière. Quant à la guérison du cancer, comment l’aurait-on tenue pour un problème à long terme en cette période de croissance effrénée du progrès.

Deux enseignements en découlent.

• Ces deux possibles pourraient parfaitement s’argumenter sur la base de certaines tendances actuelles. Ils n’apparaissent pas aujourd’hui plus improbables qu’hier, seulement un peu usés. La mode pèse aussi sur les possibles.

• Les “locomotives futurologiques“ du moment, comme le fut la conquête spatiale dans l’exemple ci-dessus, jouent un rôle très important dans l’émergence et l’acceptation des possibles. Elles se nomment aujourd’hui “big data“, “intelligence artificielle“, “environnement“…)

 

les bases d’un “BON“ possible ?

 

Nous avons envisagé jusque là ce qui conditionnait l’adhésion à un possible formulé par d’autres. Comment concevoir ses propres possibles? Comment augmenter les chances qu’ils soient bons dès les prémisses de leur élaboration?

 

deux logiques

La notion de possible a cette particularité de se référer simultanément à deux principes logiques distincts.

En logique binaire, il n’existe que deux valeurs que puisse prendre une fonction: VRAI ou FAUX, 1 ou 0. Dans notre propos: possible ou impossible.

Or, la futurologie érode l’impossibilité par sa nature, par son objet et par l’indétermination de sa temporalité: que peut-on poser comme définitivement impossible?

Mais si rien n’est impossible, tout est possible, donc tous les scénarios sont équivalents sur un plan logique. Si tout est possible, la futurologie devient affaire d’idée… c’est-à-dire d’imagination créatrice. Elle s’assimile à une sorte de loto où elle consiste à miser sur un futur comme on miserait sur un nombre. Elle devient un simple jeu de hasard. Mais à l’instar de tous les jeux de hasard, ses chances y sont faibles… mais pas nulles.

La logique floue se caractérise par un degré d’appartenance à un ensemble: être plus ou moins proche de 0 ou de 1, tendre vers le VRAI ou vers le FAUX. Dans notre propos, être “plutôt possible“ ou “plutôt impossible“, autrement dit probable ou improbable.

Là, tous les scénarios ne sont plus équivalents sur un plan logique. Leur plus ou moins grande probabilité s’estime à partir d’une évaluation comparative.

Le possible s’envisage donc à partir des deux principales notions qui  articulent “raisonnement“ et “idée“: l’intuition et l’évaluation.

 

le possible comme intuition

Beaucoup de philosophes se sont interrogés sur la nature de l’intuition. Peu l’assimilent à une génération spontanée. Elle est généralement considérée comme une récompense… qui se mérite.

Pour Descartes:

c’est la connaissance qui découvre l’évidence

Pour Bergson:

l’intuition est un travail, un long travail qui réclame une fréquentation assidue de l’objet

Pour Sartre:

Il n’est d’autre connaissance qu’intuitive. La déduction et le discours, improprement appelés connaissance, ne sont que des instruments qui conduisent à l’intuition

L’intuition s’assimilerait ainsi à une image complète qui se révèle à celui qui s’est construit graduellement une connaissance approchée, comme un puzzle où l’on reconnaît brusquement le sujet alors que toutes les pièces ne sont pas encore positionnées et que certaines le sont mal. Elle signalerait, en quelque sorte, la fin du processus d’analyse, l’arrivée au port.

En l’absence de ce travail préparatoire, l’intuition ne se distingue plus d’un banal a priori.

Mais une personne qui se fabrique des représentations fausses n’est pas considérée comme intuitive. L’intuition n’est reconnue que dans la mesure où elle révèle le vrai. Elle est un pronostic gagnant. Or, en futurologie, comment savoir si l’on a gagné?

L’intuition du possible suppose un travail d’imprégnation, avant, et un travail d’évaluation, après.

 

deux leçons des visionnaires du passé

 

On se réfèrera au billet «visionnaires du passé: comment ont-ils fait» pour postuler:

 • que les intuitions de spécialistes ne semblent pertinentes qu’à l’intérieur de leur spécialité… où ils sont les seuls à pouvoir espérer en avoir. Ainsi, si Tesla avait prédit le téléphone portable un siècle avant qu’il n’existe, Edison prévoyait pour le début du XXème la transformation du fer en or à l’échelle industrielle.

 • que les prévisions les plus larges et les plus justes ont été formulées par des gens comme Leonard de Vinci, Albert Robida ou Isaac Assimov, c’est à dire par:

1/ des généralistes

2/ des généralistes très documentés sur les innovations et les nouvelles idées

Plus le champ d’investigation se donne des frontières larges, plus les associations d’idées possibles y sont nombreuses et donc potentiellement créatrices (voir «approcher l’inédit à partir de la “théorie des prototypes“»).

 

l’évaluation: qu’est-ce qu’un “BON“ possible ?

 

le retour au mono-dimensionnel

 

Un “bon“ possible est l’aboutissement d’une démarche qui s’attachera à l’affranchir de sa dimension d’information “actuelle“, autrement dit de ses faux déterminants, pour se recentrer sur sa valeur effective d’anticipation.

Comment aller dans cette direction?

• en questionnant sa plus ou moins grande dépendance vis-à-vis des “locomotives futurologiques“ du moment

• en explorant l’ensemble des idéologies associées (croyances, peurs… scientisme, économisme… utopies …)

• en évoquant les intérêts qu’il sert dans les stratégies actuelles (publicité, propagande)

• en jonglant avec ses différentes formulations

• en posant les “points durs“ qui pèseront sur sa faisabilité ou sa temporalité

Le fait de satisfaire aux exigences de l’information ne condamne pas obligatoirement un scénario, mais il faut vérifier que son seul mérite ne réside pas là, comme dans le possible 01, ci-dessus, ou dans cet autre exemple (source “Nature“ cité par Le Monde):

les écosystèmes de la planète pourraient connaître un effondrement total et irréversible d’ici 2100

L’importance du problème actuel sous-jacent ne se discute pas, mais si on ne le voit que comme une prévision…  que ne peut-on pas prédire à échéance d’un siècle?

 

l’impératif de l’évaluation

 

Un possible n’est jamais seul dans une thématique donnée. Tous les possibles sont liés plus ou moins directement.

Dans les exemples ci-dessus, les possibles 07 et 08 sont concurrents pour exprimer le futur de l’écriture manuscrite. Ils sont, l’un comme l’autre, liés aux futurs du texte, donc “des différents textes“ (messages courts, presse, littérature, juridique, entreprise…). Le futur du texte s’inscrit dans le futur de la communication donc dans celui de l’oral, de l’image… de l’enseignement et de la culture… des industries de la communication… donc de l’emploi… etc.

Par ailleurs, toute nouvelle pratique, dans quelque domaine que ce soit, se superpose aux pratiques existantes. L’emballement des innovations provoque l’accumulation des pratiques sociales et non pas la disparition immédiate des anciennes. Ce qui a plusieurs implications:

• Deux scénarios apparemment opposés ne s’excluent pas obligatoirement. Dans certains cas, ils correspondront aux futurs distincts d’ensembles devenus disjoints (dans l’exemple de l’écriture manuscrite, les entreprises pourraient de nouveau réclamer cette compétence en voie d’obsolescence dans la vie courante… et éventuellement la transformer pour en faire un mode de communication spécifique à l’image des acronymes (voir «l’essor des acronymes: l’émergence brutale d’une légitimité»)

• Le premier effet d’une pratique nouvelle consiste, le plus souvent, en une évolution adaptative des pratiques existantes… d’où … de nouveaux possibles… éventuellement déterminants… donc à évaluer, eux aussi, avec beaucoup de soins.

• Un possible ne doit donc pas être envisagé dans sa capacité à se substituer immédiatement à toutes les pratiques antérieures, mais dans celle de devenir socialement significatif (voir «futurologue! qui est le “nous“ de “nous serons“»), comme moteur, transformateur, perturbateur… une autre mesure de sa pertinence.

L’évaluation constitue donc la phase clé de la prévision et ne peut s’opérer que dans le cadre d’une approche assez globale.

 

évaluer l’incroyable

 

L’évaluation se situe à priori dans le registre du raisonnement, ce qui étymologiquement parlant renvoie à “raison“ et “raisonnable“. Posée dans ces termes la démarche laisserait apparaître une dimension castratrice qui la vouerait à laisser sur le bord de la route toutes les évolutions rapides et étonnantes, tout l’imaginaire technologique, tout ce que l’on a coutume de repérer sous le vocable impropre de “rupture“ et qui… existent… nous ne pouvons en douter.

Ce que l’on a coutume d’appeler “rupture“ consiste en un transfert, celui de la satisfaction d’un besoin, désir ou fonction existants dans un nouveau registre technologique. Des effets induits inédits découlent très normalement de ce transfert. Cette idée de “rupture“, convenablement posée, ne prend pas fondamentalement en défaut une démarche d’évaluation rigoureuse et élargie telle que présentée ci-dessus.

La démarche, non, mais… ses conclusions ?

Elle peut déboucher sur un possible “incroyable“ qui défie le bon sens et la raison d’aujourd’hui. Un possible susceptible d’être construit, mais qu’il sera difficile de faire accepter, voire même d’exprimer (au même titre que celui qui semble se mettre au service d’une cause, cf ci-dessus) pour qui souhaite conserver une certaine crédibilité.

Ce principe a beaucoup fait pour la renommée des auteurs de science-fiction qui, eux, n’ont rien à craindre de l’invraisemblance, mais il montre bien quel poids a le présent dans l’approche du futur.

Une seconde dimension de “l’incroyable“ réside dans sa capacité à offrir à l’analyse l’aspect lisse et fermé d’une boule de billard à prendre ou à laisser globalement, cantonnant dans la mesquinerie toute tentative de discussion ponctuelle à son sujet. Nous sommes là en plein dans la logique binaire envisagée ci-dessus, celle de la confrontation du “possible“ et de “l’impossible“. Pour gérer cette situation, il faut savoir ramener ce possible dans la logique floue et pour cela être très solide sur un autre point: l’analyse des tendances.

 

possibles et tendances

 

Les visionnaires du passé étaient des généralistes.Plusieurs raisons l’expliquent:

• L’imagination créatrice, l’intuition sont affaire d’associations d’idées. Plus le terrain d’investigation s’élargit, plus ces associations se diversifient et s’accumulent.

• Plus on s’éloigne des logiques de spécialités, plus on tend à s’affranchir des locomotives technologiques et des intérêts et idéologies corrélées du moment

• Plus on adopte une vision large du corps social, mieux on gère les interactions entre les différentes tendances et plus on se rapproche d’une pensée “systémique“

• l’ouverture aux innovations procède du même mouvement d’élargissement de la pensée

Mais comme nous l’avons vu par ailleurs («combien de futurs y-a-t il derrière une tendance ?») et envisagé dans l’exemple ci-dessus de «l’écriture manuscrite», la valeur d’anticipation d’un possible se construit à partir de l’interprétation et de la sélection de tendances, parfois concurrentes. Ceci suppose qu’un “bon“ possible se construit aussi sur de “bonnes“ tendances.

Ce qui rend incontournable la question complémentaire d’un prochain billet: «qu’est ce qu’une “bonne“ tendance?» qui s’efforcera de préciser, par des exemples, un canevas développé dans un billet précédent «5 principes pour une futurologie de la métamorphose».

 

 

 

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