pourquoi de plus en plus d’hommages et de commémorations?

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Ce phénomène a-t-il un sens pour notre propos? Sans doute pas s’il n’est que temporaire. Mais quel sens a-t-il s’il ne l’est pas?

Les motifs de l’hystérie commémorative d’Emmanuel Macron ont déjà été beaucoup commentés: volonté de se donner une “épaisseur” qu’il serait conscient de ne pas posséder, tentative de reconstruire une communauté nationale qu’il serait conscient d’avoir gravement détériorée…
Une autre dimension est évoquée en commentaire de ces chiffres, après avoir remarqué que la plupart de ses hommages à des civils ont eu lieu dans une enceinte militaire (les Invalides):
(*) Sa politique mémorielle …/… s’inscrit dans une évolution plus générale qui mobilise des symboles militaires, comme le SNU [service national universel], l’uniforme ou la notion de ‘réarmement’.
… auxquels on pourra ajouter des relèves de la garde croisées pour célébrer les 120 ans de l’Entente cordiale entre la France et le Royaume-Uni, le 8 avril dernier.
Encore faut-il noter que les chiffres relatifs à notre actuel président ne tiennent pas compte du tsunami mémoriel lié aux 80 ans de la Libération (dont il avait d’ailleurs déjà commémoré les 75 ans).
En fait, s’il ne s’agissait que d’une simple manifestation de vanité, cela ne mériterait sans doute pas un billet, mais on le voit sur le graphique ci-dessus, le phénomène était en croissance avant lui. Il l’est, en outre, sous différentes formes à l’étranger comme en France (-> ).
Car cette mémoire-là se décline.

histoire, mémoire, hommages, excuses et commémorations

La mémoire s’oppose à l’Histoire au sens ou la seconde, affaire de spécialistes, s’appuie sur la rationalité et une forme de neutralité, quand la première travaille autour de l’émotion et, dénuée de toute nuance, se met au service de certaines causes (*).
D’une façon générale, le mémoriel ne renvoie pas à une exactitude historique, mais au renforcement d’un prêt-à-penser. Ses motifs résident dans la canalisation de la mémoire collective dans une certaine direction où la communauté nationale est supposée se retrouver autour d’un passé commun.
Les excuses sont une variante des commémorations: “ne faire qu’un avec son passé… mais pas avec celui-ci”… (Vichy, Algérie, esclavage, colonialisme…). Là, c’est une culpabilité que l’on est invité à partager… ainsi que l’image de vertu qui découle d’une confession.
Dans sa dimension la plus radicale, la mémoire a donné lieu à des “lois mémorielles” – notamment en France en 2005 – qui ont eu pour objet de la “judiciariser” et d’appliquer des sanctions à la contestation de certains faits historiques – surtout les génocides – surtout ceux des juifs ou des Arméniens.

ce phénomène annonce-t-il un futur?

Dans tous les cas, le mémoriel correspond à une neutralisation du présent et implicitement à une forme paradoxale de promesse d’avenir. Celle-ci n’est, en effet, pas fondée sur des perspectives tangibles, mais sur la poursuite de voies morales initialisées par les œuvres ou les grands esprits du passé. C’est l’identification d’un Bien qui ferait partie de notre identité nationale et dans lequel “nous ne pourrions que nous reconnaitre”. En identifiant nos modèles, le mémoriel invite à inscrire notre futur dans une filiation qui nous mènera obligatoirement… vers le Bien.
Ce phénomène a commencé à être identifiable après le double septennat de François Mitterrand… c’est-à-dire après le naufrage des “promesses de lendemains qui chantent”. Il a pris une ampleur inédite sous le quinquennat de François Hollande supposé, au départ, renouer avec cet héritage.
Cette corrélation entre l’essor des commémorations et le déclin des “promesses de lendemains qui chantent” pourrait donner un sens à “l’expansion” du mémoriel à laquelle nous assistons aujourd’hui.

Elle pourrait signaler le virage vers un futur… qui ne promet plus rien.


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