planète: l’impossible problématique écologique

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De moins en moins capables de poser le problème, nous sommes logiquement de moins en moins aptes à le résoudre. Nous avons une excuse: c’est devenu impossible.

Le gros problème de cohabitation que nous avons avec la planète nous apparaît comme une collection de phénomènes, dont on aimerait qu’elle soit structurée en arborescence… avec une source unique… sur laquelle il suffirait d’agir énergiquement pour adoucir l’ensemble. À l’évidence, tel n’est pas le cas.
Incapables de contrarier le très sombre avenir qui nous est promis, nous ne sommes même pas en mesure de nous y préparer, car en dépit de notre évidente impuissance, nous demeurons convaincus que la dégradation de notre univers est réversible. Il faut dire que tout le monde a intérêt à le penser.
2021 est l’une des sept années les plus chaudes jamais enregistrées (source ONU) et ce, en dépit de confinements multiples à l’échelle mondiale et de deux épisodes de la Niña, influence théoriquement “rafraîchissante”.
L’approche par le bas de notre quotidien confiné répond à une approche par le haut, celle de la “finance verte”, révélée par le message adressé à ses actionnaires par Larry Fink, PDG de la société Blackrock, premier gestionnaire mondial de fonds (10 000 milliards de dollars d’actifs):
Le message sonne ainsi comme un retour en arrière après les professions de foi environnementales et sociétales de ces deux dernières années.

Ce qui fait écho à un précédent billet.


Réchauffement climatique: le briquet du pyromane


La maison cesse-t-elle de brûler quand le pyromane éteint son briquet? On serait amené à le penser sur la base de la logique écologiste actuelle: «le réchauffement climatique est produit par l’homme, il ne tient donc qu’à lui de l’arrêter». Or, l’échelle des rétroactions enclenchées par le réchauffement est sans commune mesure avec celle des correctifs que nous serions susceptibles de lui apporter.

Les forêts – surtout tropicales – n’absorbent plus 25 à 30% des gaz à effet de serre. Aujourd’hui, au contraire, elles en émettent elles aussi. Les océans furent, le second grand régulateur thermique de la planète: (*) ils ont enregistré un record de chaleur en 2021, pour la troisième année consécutive, et ce, malgré la présence du phénomène El Niña. Ce réchauffement réduit leur efficacité dans l’absorption mondiale de dioxyde de carbone: ils en absorbaient de 20 à 30%.

Les ambiances de plus en plus chaudes et sèches banalisent les incendies géants, sous la simple action de la foudre, notamment aux USA, en Australie et plus encore en Sibérie. (*) Les seuls incendies de forêt de la côte est de l’Australie ont représenté un dégagement de dioxyde de carbone équivalent aux émissions annuelles cumulées des 116 pays les moins émetteurs.

Et surtout.
Le pergélisol pourrait émettre à l’avenir environ 1,5 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année. C’est un cercle vicieux puisque les gaz à effet de serre accélèrent le réchauffement de la planète… qui augmente la fonte du pergélisol.
(*) Le pergélisol, un sol restant gelé plus de deux années d’affilée, couvre 30 millions de km2 sur la planète, dont environ la moitié en Arctique. Il contient le double du CO2 présent dans l’atmosphère et le triple de ce qui a été émis par les activités humaines depuis 1850 …/… Les incendies incontrôlés pourraient augmenter de 130% à 350% d’ici le milieu du siècle, libérant toujours plus de carbone du permafrost.
Le protoxyde d’azote (N2O) possède un pouvoir réchauffant 200 à 300 fois supérieur au CO2 et participe à la destruction de la couche d’ozone. L’augmentation de sa concentration contemporaine (le double de celle attendue par les scénarios standard du GIEC) est principalement liée aux pratiques agricoles, plus spécialement en Afrique, Asie de l’Est et Amérique du Sud. (*)
Le réchauffement n’est pas “que” le produit de nos “besoins non essentiels”. Le riz est l’aliment de base de plus de la moitié de l’humanité. Ses rejets de méthane (30 fois plus réchauffant que le CO2) sont considérables:
(*) la riziculture serait aussi préjudiciable pour le climat que le total des émissions issues des énergies fossiles émises par l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Grande-Bretagne réunies.
Faut-il continuer à se raconter des histoires et à penser qu’on sauve la planète … en faisant du vélo?

tout le monde a intérêt à penser que tout cela est réversible…


… surtout les écologistes.

énergie: choisir sa façon d’avoir tout faux


On lira ici le long développement d’un spécialiste – à savoir Jean-Marc Jancovici – qui bien que nucléairophile convaincu n’en apporte pas moins des éléments de réflexion tout à fait recevables sur les limites et le futur des énergies renouvelables. Son exposé est cependant beaucoup moins convainquant dans ce qui touche à sa promotion du nucléaire, qu’il s’agisse de sa bienveillance sur l’approche de son énergie grise ou de son indifférence concernant quelques “épiphénomènes” tels que Tchernobyl, Fukushima… voire Flamenville, Olkiluoto , ou Dungeness. Ajoutons qu’il fonde la rentabilité du nucléaire sur une durée de vie estimée pouvant aller jusqu’à … 80ans (!), alors que leurs durées de vie nominale de 40ans ont été prolongées aux USA dans certains cas jusqu’à 60 ans… et que 20% des centrales nucléaires françaises, bien plus jeunes, sont actuellement à l’arrêt pour maintenance ou corrosions avérées (voir). Selon L’Autorité de Sureté Nucléaire qui envisage, en outre, l’arrêt du retraitement des déchets nucléaires:
(*) Il n’est pas du tout acquis que les réacteurs pourront fonctionner au-delà de cinquante ans …/… Et la filière manque de compétences, tant pour gérer le parc actuel et son démantèlement à venir que la gestion des déchets : il faudrait « former 4 000 ingénieurs par an ». On en est loin.
Mais revenons aux alternatives renouvelables. Elles ne peuvent pas fonctionner de façon autonome parce qu’elles sont intermittentes et que les capacités de stockage que nous pouvons actuellement imaginer sont énergivores et surtout très largement insuffisantes. Elles supposent donc l’accompagnement de productions régulables, surtout nucléaires pour la France, au gaz pour l’Allemagne, plus globalement thermiques.
Ajoutons qu’en dépit d’un “ressenti partagé” sur cette question, les énergies renouvelables et leur stockage sont consommatrices de ressources:
(*) un mégawatt de capacité éolienne nécessite 171 kg de terres rares
(*) En 2030, l’Europe ne produira pas plus de 30% de ses besoins en minerais stratégiques pour les batteries électriques de la transition énergétique, tels que lithium, cobalt ou nickel

Et en attendant des jours meilleurs:


le cauchemar des déchets


(*) Plastiques : « Il n’est plus possible de nettoyer les océans ».
Revenons à l’énergie. Fin 2016, la France avait déjà un stock de 1,5 million de mètres cubes de déchets radioactifs … ce qui correspondrait à un mur continu de containers cubiques de 1m3 allant de Barcelone à Amsterdam.
(*) Dans tous les cas, le volume des déchets radioactifs va continuer de croître très fortement. Au terme du fonctionnement et du démantèlement du parc actuel, il aura été multiplié par trois ou par quatre, selon les scénarios, par rapport au stock déjà accumulé.

l’eau: celle qu’on cherche sur Mars


La réserve d’eau des océans est la seule qui se présente comme inépuisable. Cependant, en dehors de son importante consommation d’énergie, la désalinisation – aujourd’hui pratiqué dans 15.906 usines répandues dans 177 pays (*) (sur un total de 198 – c’est-à-dire presque tous -), pose d’énormes problèmes environnementaux.
(*) Au niveau mondial, 142 millions de mètres cubes de saumure sont rejetés chaque jour par les usines de dessalement. 51,8 milliards de mètres cubes par an, assez pour couvrir la Floride d’une épaisseur de 30,5 centimètres.
… ou la France d’une couche de 10cm!
Or, c’est l’unique possibilité d’alimentation dans de nombreuses régions du globe… et les besoins en eau ne font que croitre… partout.
Ce thème a déjà fait l’objet d’un développement ici
Le recours aux eaux douces, vouées à devenir plus rares, n’en pose pas moins d’autres problèmes quand il faut évaluer l’impact écologique de leur utilisation. Ainsi, comme l’explique ce chercheur, le mieux-faire écologique peut être très différent d’une région à la région voisine: comment faire accepter cette complexité au plus grand nombre sans donner une image d’arbitraire, de favoritisme ou d’indétermination. La “non-indifférence environnementale” des pouvoirs publics suppose, pour qu’elle soit reconnue, une action qui soit compréhensible… normalisée… médiatique … donc simple … donc fausse (voir: «le futur de l’erreur: biais cognitifs & dérives des idées»)
Et la problématique de l’eau nous ramène à celle de l’énergie… tout d’abord à partir d’un exemple (voir : “La sécheresse en Limousin pourrait-elle conduire à l’arrêt de la centrale de Civaux?”)
Et plus globalement:
(*) Dans six États de la Fédération indienne, le secteur de l’eau représente par exemple entre 35 % et 45 % des consommations d’électricité, essentiellement pour le pompage dans les eaux souterraines …/… Les coûts énergétiques croissants de la mobilisation de l’eau agricole et domestique représentent ainsi déjà un risque pour la sécurité énergétique de plusieurs dizaines d’États dans le monde, dont l’Inde, la Chine, les pays du Sud et de l’Est de la Méditerranée, du Proche et du Moyen-Orient, de certains États fédérés américains…

la préservation des écosystèmes: le nouveau “bon sauvage”


“L’écosystème préservé” focalise l’imaginaire écologique un peu à la manière de ce que fut, en son temps, “le bon sauvage”. Ce sujet a fait l’objet d’un développement spécifique (voir «le futur de la vie sauvage et de ses paradoxes»).
Même si celui-ci existe, tout usage de la planète ne peut s’assimiler à du vandalisme. Peut-on imaginer que les activités de sept milliards d’humains puissent ne pas agir à un niveau ou à un autre – et quelle que soit la sagesse de leurs pratiques – sur le système d’encastrements multiples qui définit la biodiversité?
En fait, la question est d’autant plus complexe qu’un écosystème a vocation à se transformer. On le sait depuis Darwin.
La préservation des écosystèmes se pose en problématique de l’espace libre, mis en danger par n’importe quel type d’occupation. Cependant, le réchauffement climatique modifie les écosystèmes, même dans les espaces libres, non seulement en lui-même, mais au travers également de tout ce qui l’accompagne (incendies, fonte des glaces, inondations, acidification des océans, produits chimiques, pollutions … etc). Même les actions de type “écologiques” comme la protection ou le déplacement de certaines espèces, modifient les écosystèmes.
(*) Conserver la biodiversité, et interpréter intuitivement le terme pour désigner toute la diversité biologique qui existe revient à dire que …/… tout ce qui est biologique deviendrait un objectif de conservation.
Or, en s’appuyant sur les progrès de l’idéologie anti-humaine , cette fatalité est désormais instrumentalisée – le plus souvent localement – pour empêcher toute action, toute implantation, tout projet d’adaptation, de quelque nature qu’il soit.
Il est urgent de faire la révolution… mais sans rien changer.

en guise de conclusion


Les solutions techniques susceptibles de limiter les dégâts ne sauraient être mises en oeuvre qu’en passant sous les fourches caudines du capitalisme. Elles consisteraient à échanger d’éventuelles améliorations contre le renforcement de la philosophie fondamentalement anti-écologique du “toujours plus”, ses routines propres n’ayant, par ailleurs, aucune raison de n’être “que” environnementales.

L’autre voie, est celle du totalitarisme écologique, vu par certains comme seul capable d’imposer une sobriété des comportements. Trois remarques à ce sujet:
  • Le problème se situe “au-dessus” des pouvoirs politiques … donc au-dessus des “ordres” susceptibles d’être imposés
  • Un ordre idéal, quel qu’il soit, est beaucoup plus stimulant à imaginer… qu’à subir.
  • Un totalitarisme écologique – soit – mais lequel? Les arguments présentés dans l’ensemble de ce billet laissent en suspend les questions du “quoi?”, du “comment?”, et du “pour quoi faire?”.
Ce qui rejoint la conclusion d’un précédent billet
La planète semble vouée, dans tous les cas, à demeurer une idéologie… impuissante.

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