tendances & métamorphoses: le modèle du vieillissement

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les tendances meurent… ou changent


En vieillissant, la vue baisse, l’audition baisse, mais tout le monde ne finit pas aveugle et sourd. En outre, aucune tendance exprimable simplement ne nous mène du bébé à l’adolescent ou de l’enfant au vieillard. Le vieillissement est le produit d’un enchainement de tendances, ce qui signifie que celles-ci ont une “durée de vie”. (*)
vieillissement_femme

Pourquoi cesse-t-on de grandir?


Agissant en synergie avec l’hormone de croissance, les hormones sexuelles (testostérone, œstrogènes) permettent le pic de croissance pubertaire. Ces hormones ont une double action : accélération de la vitesse de croissance, mais aussi et surtout maturation des cartilages qui vont se souder, marquant ainsi la fin de la croissance.
Ceci attire l’attention sur l’intérêt qu’il pourrait y avoir à substituer aux tendances brutes classiquement utilisées en futurologie, des formulations antinomiques de ce genre, celles qui incluent à la fois une dimension motrice et un principe d’auto-limitation?

vers la tendance d’après


Le modèle du vieillissement ouvre à l’hypothèse que le régulateur – on pourrait dire la force de freinage – d’une tendance posée comme motrice à un moment donné de l’évolution, constitue le “moteur” le plus probable pour la tendance d’après (ici la maturité sexuelle qui va impliquer des transformations tant du niveau psychologique qu’à celui des rôles et comportements sociaux).
Par ailleurs, la “transversalité” des tendances, qui est aujourd’hui privilégiée par les nouvelles méthodes de prévision (voir par exemple le dernier rapport de la Direction Générale des Entreprises sur les technologies clés de 2020 ), se limite cependant à décliner les tendances dans les différents domaines d’activité et de consommation. Le modèle du vieillissement nous invite à aller plus loin dans cette voie en montrant ce principe à l’oeuvre, non pas dans de simples émergences, mais dans des enchainements, c’est-à-dire dans une dynamique de la métamorphose, à l’image de l’exemple suivant.

les tendances comme système


L’ostéoporose est un phénomène physiologique qui concerne le vieillissement des os (lien).

Au cours de notre enfance et notre adolescence, notre masse osseuse augmente progressivement. Nos os s’épaississent et acquièrent leur densité maximale. Vers l’âge de 20 ans, la masse osseuse cesse alors d’augmenter. Stable pendant quelques années, elle commence à diminuer après 40 ans. Avec l’âge, les mécanismes de destruction osseuse l’emportant sur les mécanismes de construction, l’os devient poreux, son architecture s’altère : c’est l’ostéoporose.
… qui amène une modification morphologique directe… mais locale
La réduction de la taille est un phénomène attribuable au vieillissement. Il s’agit en réalité d’un raccourcissement de la colonne vertébrale (de 1,2 à 5 cm) causé par un amincissement des vertèbres dorso-lombaires par ostéoporose.
… qui induit une modification morphologique globale… mais indirecte
Ce raccourcissement de la colonne vertébrale crée un effet de disproportion puisque les bras et les jambes eux restent de longueur normale, ce qui entraîne une déviation de la partie supérieure du thorax et une accentuation de la courbe naturelle (la cyphose) de la colonne vertébrale
… qui interagit avec une constante: la nécessité de maintenir son équilibre
Pour garder son équilibre, la personne âgée doit se pencher vers l’avant et plier les genoux de façon à maintenir son centre de gravité.
… pour amener à un ancrage dans le nouvel état
A la longue, les cartilages s’usent et les flexions deviennent permanentes.
On pourrait ajouter que l’évolution vers cette nouvelle posture signale socialement l’individu comme vieillard… accélérant la perte de son rôle social…et par là, l’affaiblissement de ses capacités cognitives …
Le vieillissement nous montre que des tendances de natures profondément différentes fonctionnent en système, c’est-à-dire qu’elles “rebondissent” d’un domaine à un autre et interfèrent pour produire, dans le temps, des relations de causes à effets fluctuantes et atypiques.

tendances & métamorphoses


la validation d’un concept de l’évolution: l’allométrie

Le modèle du vieillissement valide un principe de transformation déjà évoqué dans un précédent billet: le concept d’allométrie. Nous n’allons donc pas y revenir ici.

interactions de tendances et temporalité

La dimension temporelle est la plus complexe à envisager dans la prévision. Les causes les plus diverses peuvent induire “avance” ou “retard” dans un phénomène pourtant convenablement prévu. On le voit dans le vieillissement, les évolutions agissent sur des états préalablement transformés par les évolutions antérieures. La transformation des individus comme des sociétés doit cependant être posée comme permanente: qu’un facteur d’évolution prenne du retard et celle-ci s’opèrera sous l’influence principale d’un autre. De nombreux cas relevant de ce principe ont été évoqués dans un précédent billet ( «l’incomplétude, talon d’Achille du futurologue»), provoquant la mort prématurée d’évolutions en apparence très plausibles.

retour sur les tendances et leurs représentations


les “philosophies” de référence de la tendance

Les tendances et leurs extrapolations constituent la base des raisonnements sur le futur. Elles s’inscrivent dans deux grandes catégories de modèles dont les origines se situent entre la fin du XVIIIè et le début du XIXè, respectivement dans les approches démographiques de Thomas Malthus et de Pierre François Verhulst. On y trouve le fondement d’une “philosophie de la tendance”.
L’approche de Malthus et ses dérivées s’appuient sur l’exponentielle.
Malthus_320
Les tendances n’y admettent aucune limite. Leur terme ne peut s’appréhender que comme une catastrophe où plus rien n’a de signification. L’approche malthusienne manipule très peu d’éléments. Elle est donc simple à formuler, simple à communiquer, simple à comprendre. Elle produit du spectaculaire. Elle est la plus paresseuse des approches de la tendance et accessoirement la plus fondamentalement fausse puisqu’il est clair que rien ne peut croitre indéfiniment. Elle est pourtant … la plus usuelle en futurologie.
L’approche de Verhulst et ses dérivées s’appuient sur la fonction dite logistique.
Verhulst_320
Elle s’applique à prendre en compte les phénomènes d’autorégulation qui peuvent s’énoncer comme suit: à partir d’un certain niveau de développement, la tendance modifie son propre contexte créant les conditions de sa propre limite. Elle est par là plus juste – au moins au niveau du principe – mais aussi plus technique et plus complexe puisqu’elle suppose d’associer à toute tendance des hypothèses de rétroactions (voir plus haut l’exemple de la croissance). Elle appelle donc un certain niveau de compréhension.

les courbes du vieillissement

Outre le fait de nous rappeler que l’approche de Malthus n’a pas beaucoup de sens, la référence au vieillissement fait apparaitre que les courbes de tendances peuvent prendre les allures non triviales. Ainsi pour en rester à l’exemple de la croissance: la masse  & le rythme  nous offrent les courbes suivantes:
CourbeMasseOsseuse
Croissance_FilleGarçon_reduit
Quel futurologue oserait ne serait-ce que postuler des courbes tendancielles de ce genre… qui correspondent pourtant à des phénomènes avérés?
Comment face à une telle complexité peut-il exister en futurologie une… “pensée unique”? (voir “la pensée unique en futurologie”)

(*) sauf mention contraire, les références relatives aux mécanismes du vieillissement proviennent d’ici 

 

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