Un article récemment paru dans “the intercept” marque une nouvelle étape dans le cheminement d’une idée évoquée de longue date dans ce blog (en 2013 – en 2018).
le traçage des individus
Pour faire pleinement comprendre à son public l’immense pouvoir de son logiciel, Anomaly Six a fait ce que peu de gens dans le monde peuvent prétendre faire: espionner des espions américains.
Un minimum de prudence est de rigueur dans la mesure où, comme nous l’avons vu, Big Brother fonctionne comme une publicité pour toutes les grandes entreprises technologiques. Mais là, c’est un peu différent… parce que là… c’est de plus en plus plausible. Le principe se dote ici de ce qui manque cruellement aux grands aspirateurs de données personnelles: une finalité explicite. Celle-ci révolutionne le processus en ce qu’elle le rend “évaluable”, “améliorable”, “optimisable”… ce qui ne peut être envisagé sans elle.
une légitimité qui s’installe
Un milieu dans lequel progresse un fluide, une information, une certaine influence qui, en atteignant un seuil (dit “seuil de percolation“), modifie radicalement la nature du milieu.
Appliquée à une “idée”, ce type de progression virale peut prendre différentes formes et emprunter différents chemins (par fragments, par domaines, par analogies… ). Ainsi en va-t-il de l’idée de traçage.
- On trace dans l’alimentaire, plus spécialement dans le bio
- On trace les livraisons dans la vente par correspondance
- On trace les cas contacts dans la gestion des épidémies
- On trace les détenus en semi-liberté grâce aux bracelets électroniques
- On trace les enfants et personnes dépendantes grâce à des balises GPS
- Les romans policiers nous ont familiarisé avec tout ce qui permet de tracer les individus, des caméras de surveillance au smartphones en passant par les cartes bancaires.
- On trouve quotidiennement dans les pages que nous ouvrons sur internet des demandes de localisation
- (*) À compter de juillet 2022, tous les nouveaux modèles d’automobiles commercialisés en Europe devront être équipés d’un enregistreur de données.
- … etc
(*) La technologie blockchain peut être aussi bien utilisée pour lutter contre la contrefaçon de biens physiques, comme pour la traçabilité de bouteilles de vin, qu’en matière d’identification des personnes physiques.
L’argument fondamental de la blockchain réfère à une légitimité-mère: la sécurité. Or, cette problématique tend, de nos jours, à devenir obsessionnelle.
en guise de conclusion provisoire
(*) Un petit détour par la science-fiction pourrait nous donner un comparatif des perspectives possibles de l’IA et de la blockchain.Dans le premier cas, nous obtenons le Big Brother “traditionnel”, celui qui voit tout, qui sait tout, et qui devine tout ce qu’il ne sait pas. C’est l’intelligence. C’est complexe, instable et fragile.Dans le second cas, nous sommes tous géolocalisés en temps réel. Big Brother ignore ce que l’on dit ou ce que l’on pense, mais il connait tout de nos déplacements et il en déduit très facilement qui a fréquenté plus ou moins souvent un lieu ou une personne donnée et qui se trouvait en un lieu donné à un instant donné. C’est systématique. C’est totalement dénué d’intelligence, mais simple, robuste et efficace.
Mais au-delà, une question plus fondamentale doit être abordée. Elle le sera dans le prochain billet.
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