Communiquer, c’est chercher à affecter les croyances et les sentiments d’autrui, par exemple convaincre ou séduire, informer ou tromper, scandaliser ou flatter . (*)
Alors que la libre communication semblerait être un idéal de la démocratie, que se passe-t-il lorsque sont mises en place des procédures qui permettent à tout le monde… «de chercher à affecter les croyances et les sentiments»… de tout le monde… en permanence?
s’exprimer dans un univers bruyant
«Chercher à affecter les croyances et les sentiments d’autrui» s’inscrit dans la confrontation de deux volontés, celle de qui émet et celle de qui reçoit. Nos opinions participent à notre identité et la plupart des gens ne remettent pas facilement en cause leurs croyances et leurs sentiments. La communication interindividuelle s’exerce donc au travers de résistances, de rigidités, voire de conflits.
Plus l’action véritable tend à devenir impossible, plus on est condamné à n’agir que par la voix… contre la voix… et il y a tellement de causes à défendre… d’autant qu’il s’en invente tous les jours!
Faire communiquer tout le monde avec tout le monde pose de façon aiguë le problème de la cacophonie… ce qui induit une demande de “réduction du bruit de fond” dont sont supposés responsables… tous les autres.
Dans ce tumulte, l’opinion individuelle a autant de mal à exister qu’un individu dans une foule.
Cependant, une opinion individuelle n’est pas… qu’individuelle. Son droit à l’existence n’est admis que si elle est… au moins un peu… partagée. L’individu se veut donc à la fois unique et membre d’un groupe… ce qui n’est pleinement accompli que pour un leader. Ainsi, chacun se veut leader, ne serait-ce que d’un “petit groupe”, ne serait-ce que momentanément… s’opposant par le fait à qui est animé des mêmes envies… c’est-à-dire beaucoup d’autres.
liberté d’expression et stéréotypes
Un stéréotype est une croyance immodérée concernant une certaine catégorie de population. Les stéréotypes sont des préjugés supposés être des nuisances dont il faudrait venir à bout pour accéder à une communication saine.
Qui se rendrait coupable de violences contre des personnes s’il n’y avait été au préalable conditionné par des représentations négatives disséminées dans l’espace social?(*)
La notion de stéréotype apparait malheureusement beaucoup plus ambiguë. Le préjugé est un composant à part entière de la pensée. On ne “découvre” pas, à chaque instant et en toute ingénuité, tout ce qui façonne le monde.
La loi de 2014 pour l’« égalité réelle entre les femmes et les hommes », énonce que la politique d’égalité comporte «des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes».
Les stéréotypes sexistes dont il est question ici ne sont évidemment pas ceux qui s’appliquent aux hommes, pourtant il y en a. Le stéréotype contre lequel cette loi s’applique n’établit que le remplacement du stéréotype de la “femme inférieure” par celui de la “femme victime”. Ce mécanisme a une portée générale: le progressisme consiste à remplacer d’anciens stéréotypes – où leur mode d’expression ancien – par des stéréotypes nouveaux. Le conservatisme… c’est l’inverse. Dans tous les cas, “lutter contre un stéréotype” consiste toujours, en fin de compte, par vouloir en interdire l’expression.
La liberté d’expression consiste à pouvoir laisser libre cours à ses stéréotypes… ce qui n’a un sens que dans la mesure où l’on s’oppose aux stéréotypes réels ou supposés de quelqu’un d’autre.
Socialement, on n’en appelle à la liberté d’expression que dans la mesure où elle défend un point de vue susceptible d’être prohibé. Elle ne prend son sens que dans la controverse, voire le conflit.
répéter des messages simples
Sous un intense bruit de fond, on ne peut espérer être entendu qu’en parlant plus fort et en ne délivrant que des messages simples et si possible surprenants. Mais surprendre avec un message simple n’est possible que dans l’outrance, registre dans lequel vont également s’exprimer les soutiens comme les oppositions.
(*) La loi de Godwin est une loi empirique énoncée en 1990 par Mike Godwin : « Plus une discussion en ligne se prolonge, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de un. »
La liberté d’expression consiste à pouvoir “dire”, mais aussi à pouvoir “répéter”, ce qui constitue une autre façon d’être entendu. Là encore nous retrouvons le “message simple”, le seul à pouvoir être indéfiniment répété.
La répétition est un fait de communication concernant de très nombreux types de discours: prévention, enseignement, marketing et publicité, discours politique, syndical, religieux. Tous ces discours se nourrissent de répétitions.
La défense des “innombrables causes” qui occupent – ou tentent d’occuper – les médias s’appuie sur une répétition de type militante, celle qui martèle – partout et en permanence – des dires et des faits aux allures de slogans.
HARCÈLEMENT: Guerre dont la tactique est d’épuiser l’ennemi en d’incessantes attaques. Synonyme: guérilla
La liberté d’expression consiste aujourd’hui, sous un intense bruit de fond, à pilonner «les croyances et les sentiments de chacun» par des répétitions ininterrompues… de messages simples.
en guise de conclusion
Le totalitarisme…
induit le combat pour la démocratie et pour son idéal de liberté d’expression. Celle-ci une fois acquise, les dérives de la guérilla de tous contre tous aboutissent à la liberté d’exiger des interdictions… de plus en plus d’interdictions… soit la liberté d’exiger…
le totalitarisme.
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Autour de ce sujet:
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