L’enseignement et la “vitesse normale” de l’évolution sociale

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Le paradoxe de l’enseignement


Former des enfants pour en faire les adultes de demain supposerait théoriquement pour l’enseignement d’être en avance sur les pratiques. Or son contenu est dispensé et surtout évalué par les générations antérieures (parents, décideurs, enseignants) qui ne peuvent accepter de ne pas y retrouver l’essentiel de ce que fut le leur. Comment pourrait-il en être autrement?

Ainsi, alors que l’enseignement devrait théoriquement être en avance d’une génération pour assumer sa fonction, il est en retard de plusieurs… et ce, inéluctablement.

L’idée même d’enseignement s’inscrit implicitement dans une évolution sociale relativement lente.

Dans ce contexte-là, l’enseignement est susceptible de “porter” l’adaptation et le progrès social. Mais quel sens lui donner lorsque l’évolution devient très (trop?) rapide dans ses savoirs, ses outils, ses pratiques? Comment inscrire les faits d’aujourd’hui dans une pensée d’hier? Comment apprendre à nos enfants-hérissons à traverser les routes?


 

La question des contenus


 

Internet, les réseaux, les smartphones se sont imposés en moins d’une décennie, donc bien évidemment en marge de l’enseignement. Avec un recul de soixante-dix ans, on peut constater que les médias-rois de la seconde moitié du XXème siècle, la presse et la télévision, n’y ont joué à peu près aucun rôle.

Internet aidant, il n’a jamais été aussi facile à un autodidacte de devenir expert dans “à peu près n’importe quel domaine”(les exemples abondent dans le monde des hackers). Techniquement, les interfaces vocales pourraient permettre, à très court terme, de vivre une vie normale en ne sachant “que parler”; des compétences en lecture, écriture et calcul très sommaires devenant suffisantes.

Quand les évolutions deviennent rapides, le collectif est pris de vitesse par l’agrégation des adaptations individuelles qui accélèrent davantage encore le mouvement: ce n’est plus la vitesse du banc qui détermine celle de chaque poisson… mais l’inverse, à l’image d’une foule en situation de panique.

Dans de nombreux domaines, l’élève soumis est dépassé par l’autodidacte opportuniste. L’enseignement est hors course du point de vue de ses contenus. Son action se réduit à la “préservation des inégalités” par le filtre de l’élimination de “ceux qui n’ont pas acquis” une compétence que les enfants issus d’un milieu donné ont forcément acquise.

Quand l’évolution sociale est très rapide, le débat sur le contenu de l’enseignement est peut-être vain.


 

La “vitesse normale” de l’évolution sociale

 

En tant qu’instrument de communication entre les générations, l’enseignement ne peut évoluer qu’à sa propre vitesse. Celle-ci peut se définir comme la “vitesse d’adaptation sociale de référence”.

Dans tous les cas, même en situation d’inutilité avérée, qui pourrait soutenir l’idée de supprimer l’école? Que ferait-on des enfants ? Que ferait-on des enseignants? L’enseignement demeurera donc quoiqu’il arrive et quand tout ira trop vite, il perdra tout rôle social et devra attendre qu’un ralentissement se produise pour en retrouver un.

Ce qui ouvre à deux questions de futurologie:

  • celle de la vitesse à laquelle est susceptible d’évoluer la société indépendamment de la nature de ses pratiques futures, propos dont pourrait découler la possibilité d’une régulation par l’enseignement… et par là celle du maintien d’une certaine cohérence sociale
  • celle, d’une tout autre nature, qui concerne l’enseignement vu comme véhicule de l’acquis et sa perte d’influence comme la valorisation de l’inné. Or nous y sommes et pas seulement pour les joueurs de football (lien)

La différence aujourd’hui c’est que l’inné renvoie à un champ technologique aux vastes possibles… qui ont en commun d’être tous très inquiétants et de pouvoir rendre pérenne l’exclusion de l’acquis… donc de l’enseignement… donc d’une certaine cohérence sociale.

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