capitalisme & écologie: que mangeront 10 Mds d’humains en 2050 ?

Classé dans : capitalisme & écologie | 0

Une assiette, un verre, une fourchette, un couteau.
Caché derrière cette icône de notre quotidien… un monstre.

l’agroalimentaire


Les industries agroalimentaires sont le 3e maillon d’une chaîne de valeur dans laquelle on trouve successivement les consommations intermédiaires de l’agriculture (semences, alimentation animale, produits phytosanitaires…), la production agricole (culture, élevage, produits alimentaires intermédiaires …), les IAA proprement dites (fabrication de produits alimentaires) et la distribution (restauration, grande distribution, commerce de détail…). Les IAA peuvent être subdivisées en industries de première transformation (abattage, laiterie, meunerie…) et de deuxième transformation (pâtisserie, charcuterie, produits laitiers…) …/… Les IAA constituent la toute première activité des industries manufacturières du pays.
Données auxquelles il est important d’ajouter
En 2013, l’agriculture est le premier pourvoyeur d’emplois de la planète. Malgré l’exode rural massif …/… l’agriculture continue d’employer près de 40% de la population active mondiale, soit 1,3 milliard de personnes.
L’agriculture constitue la principale utilisation des terres par les humains …/… Plus des deux tiers de la consommation humaine d’eau sont destinés à l’agriculture. En Asie, cette part en représente quatre cinquièmes. La culture et l’élevage sont les causes principales de la pollution de l’eau par les nitrates, les phosphates et les pesticides. Ils constituent aussi les principales sources anthropiques des gaz à effet de serre – le méthane et l’oxyde nitreux – et ils contribuent massivement à d’autres types de pollution de l’air et de l’eau. L’étendue et les méthodes de l’agriculture, de la foresterie et de la pêche sont les principales causes de perte de biodiversité dans le monde …/… L’agriculture nuit également à son propre avenir par la dégradation des sols, la salinisation, le soutirage excessif d’eau et la réduction de la diversité génétique des cultures et du bétail.
Données auxquelles il est important d’ajouter
De 1960 à 2010, le monde a multiplié sa consommation de pétrole par 8 …/… Une partie de cette augmentation est imputable à l’agriculture et à l’utilisation massive de pesticides et d’engrais chimiques …/… Aujourd’hui, plus de 90 % de la surface agricole est inondé de pesticides. On considère qu’entre 1945 et 1995, le volume de produits chimiques fabriqués par l’homme et utilisés comme pesticides a été multiplié par 42 et les formules commercialisées aujourd’hui sont 10 à 100 fois plus puissantes que celles qui étaient vendues en 1975 …/… Depuis 1945, l’équivalent de 38% de la surface cultivée actuellement sur la planète, ont été dégradés par des pratiques agricoles non viables et ont du être abandonnés. Les superficies affectées par la désertification atteignent 36 millions de km2 (soit près de 4 fois la superficie de la Chine).
Et rappelons que la population mondiale devrait passer de 7,6 à 10 milliards d’habitants d’ici 2050… la progression ne se ralentissant qu’ensuite.

le capitalisme, l’écologie et l’alimentaire


On le sait, capitalisme et écologie se réfèrent dans ce domaine à deux modèles très divergents:
  • culture intensive appuyée sur toutes les technologies disponibles (biotech, chimie, génétique …), sur une consommation de sol maximisée par des rendements élevés, sur une mécanisation maximum, un recours à la main-d’œuvre le plus réduit possible et un approvisionnement à l’échelle mondiale.
  • Moindre recours aux technologies et à la mécanisation. Consommation de sol et recours à la main-d’œuvre a priori plus élevé. Approvisionnement au plus proche du lieu de consommation.
Cette divergence assez radicale dans l’esprit tend cependant à l’être de moins en moins dans les faits, alors que parallèlement une évolution de l’alimentation opère insidieusement, mais de longue date. Elle est conceptuelle. Elle découle d’un processus “inarrêtable” que l’on retrouve dans tous les domaines: celui que produit la simple démarche de la connaissance, et qui aboutit à une décomposition généralisée de tout ce qui était naguère perçu comme des entités non réductibles.
Le nouveau paradigme de l’alimentaire peut se résumer à la gestion séparée de trois paramètres désormais totalement distincts du point de vue des recherches qu’ils occasionnent et des processus qu’ils impliquent:
  • le goût, qu’il relève de saveurs naturelles ou artificielles, dont le processus de connaissance et de décomposition se poursuit et dont seront extraits des saveurs probablement inédites. Pour mémoire, c’est près de 500 composés chimiques qui participent à la saveur d’une pomme.
  • la nutrition: Des impacts sur la santé sont associés à des familles d’éléments telles que les vitamines , les sels minéraux, les enzymes, les acides gras  … etc…
  • Appelons “substrat” ce qui représente la dimension “quantitative” de l’aliment et qui permet l’incorporation des composants fonctionnels dédiés au goût et à la nutrition. Dans l’idée il est bon marché. Dans l’idée il pourrait être chimiquement neutre, dans les faits il ne l’est pas, car il contient toujours plus ou moins d’éléments nutritifs… et parfois même beaucoup… ce qui n’a finalement que peu d’importance dans le cadre de ce nouveau paradigme de l’alimentaire puisque tout ce qui lui manque pourrait lui être ajouté.
Ces ensembles peuvent s’assimiler aux trois claviers du synthétiseur alimentaire de demain.
On retrouve un processus de même nature à l’œuvre dans de multiples domaines comme les alliages métalliques ou les matériaux de construction tel que le béton, dans lequel les adjuvants amènent ou renforcent des propriétés fonctionnelles (résistance, isolation, aspect…) ou de mise en œuvre (plasticité, retardateurs de prises…) à un matériau principalement constitué d’un agglomérat de graviers.

La critique écologiste des circuits productivistes de l’alimentation, très focalisée sur la qualité nutritionnelle, amène ainsi un courant de pensée résolument technophobe à valoriser les compléments alimentaires , c’est-à-dire … les technologies du secteur… et, par là, indirectement, l’appauvrissement du substrat puisque celui-ci peut être artificiellement enrichi, sans doute pour le plus grand bonheur des multinationales de l’alimentaire.


Nos grand-mères ne connaissaient pas les “compléments alimentaires”. Elles se bornaient à répéter que pour être en bonne santé il fallait “manger de tout”. Ce faisant, en diversifiant les apports … et les poisons… n’étaient-elles pas porteuses d’un message beaucoup plus simple et surtout… beaucoup plus juste?

la bataille des substrats


L’avenir de l’alimentation va se jouer sur la confrontation de l’écologie et du capitalisme sur le terrain du substrat, celui-ci pouvant être a peu près n’importe quel agglomérat de tout produit réduit en poudre ou en crème (principe exploré de longue date par la SF comme dans le film de Richard Fleischer “Soleil vert”). Un quelconque substrat pourrait même être rendu digestible “artificiellement”. On trouve ainsi, d’ores et déjà, des poudres de vers de terre , des farines d’insectes ou des farines d’algues  et plus que jamais des céréales… de plus en plus dégénérées
En fait, les blés ont été tant modifiés qu’ils ont cessé d’être digestes pour la plupart d’entre nous
En théorie, l’approche écologique pourrait s’appuyer sur une forme “d’économie circulaire” en valorisant comme substrat tout sur ce qui perturbe les écosystèmes comme les espèces invasives végétales ou animales issues du sol et surtout des océans.
À l’image du futur du marché de l’énergie, qui sera lié à la capacité de résistance du capitalisme pétrolier ou nucléaire, le futur du marché du substrat alimentaire va être principalement lié à la capacité de résistance du capitalisme céréalier … qui semble considérable dans la mesure ou ce marché est aux mains de 4 multinationales  connues sous le nom de Big Four ou ABCD pour Archer Daniels Midland, Bunge, Cargill, Louis Dreyfus
Elles font transiter 90% du volume des céréales produites dans le monde. Une capacité logistique qui leur permet, évidemment, de jouer sur les marchés …/… en bloquant éventuellement les stocks pour créer une pénurie… et ainsi faire remonter les cours, avant de revendre au meilleur prix.
On peut prédire que ces multinationales ne vont pas se reconvertir à court terme dans la capture des méduses et autres vers de terre, tandis que leur capacité à peser sur les prix peut leur permettre d’interdire toute rentabilité à toute solution alternative.
Or la grande culture céréalière constitue l’exemple même d’une agriculture productiviste indifférente aux impacts sanitaires et environnementaux. En outre, le substrat de demain pourrait “aussi” avoir comme composant principal… la paille des céréales.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *