penser la pensée: le moine, le robot et la sérotonine

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Le premier homme qui est mort a du être drôlement surpris
Passé ce moment de surprise parfaitement exprimé par George Wolinski, c’est la peur qui a prévalu et avec elle l’idée (l’espoir) d’une immortalité de l’âme… et par là une séparation, de fait, du corps et de l’esprit, l’un étant à l’évidence mortel, l’autre étant supposé (espéré) ne pas l’être. C’est autour de cette séparation du corps et de l’esprit que se sont retrouvées toutes les religions, représentées par les différentes déclinaisons du moine. Quel rapport avec le futur? J’y viens.
La sérotonine a été identifiée dans la muqueuse gastro-intestinale, dans les plaquettes sanguines et dans le système nerveux central… /… On trouve la sérotonine dans le cerveau (où elle joue le rôle de neurotransmetteur ou de neuromédiateur) et dans le système digestif. Elle est impliquée dans la régulation de fonctions telles que la thermorégulation, les comportements alimentaires et sexuels, le cycle veille-sommeil, la douleur, l’anxiété ou le contrôle moteur …/… La sérotonine est impliquée aux divers niveaux des voies de transmission et de contrôle de la douleur.
Et surtout

La sérotonine serait liée à l’humeur dans les deux sens. C’est-à-dire que le taux de sérotonine influencerait l’humeur, et que les pensées positives ou négatives influenceraient à leur tour le taux de sérotonine.

en outre:

La pratique régulière de l’activité physique augmente la sécrétion naturelle de sérotonine.

Ce qui, à partir du spécifiquement corporel, referme la boucle sur tout ce qui touche à l’esprit.
L’humain “pense” donc aussi avec ses intestins et d’autres expériences le prouvent: une équipe de recherche a interverti les comportements de deux souris en permutant leur flore intestinale.
Se trouve ainsi interpellée la séparation initiale du corps et de l’esprit et l’idée que sur un appareillage humain constitué de pompes (cœur, poumons) ou d’usines de traitement de déchets (reins, intestins) serait installé… “l’esprit”. Or, c’est bien cette même idée que l’on retrouve dans le robot, celle où une machinerie, finalement assez classique, servirait de support à une “intelligence artificielle” faite de capteurs et d’algorithmes. Le projet d’imitation de l’homme par le robot est antérieur au robot lui-même (voir «combien de temps faudra-t-il à la machine pour tuer le robot?»).
Cette recherche de l’imitation de l’humain “global” se poursuit désormais dans l’imitation de son cerveau. On travaille sur la base de “réseaux de neurones” , de “synapses artificielles” présentées ici , sous ce titre on ne peut plus symptomatique: « Cette technologie pourrait rendre les ordinateurs encore plus semblables au cerveau humain »:

La nouvelle synapse artificielle, rapportée dans Nature Materials, imite la façon dont les synapses dans le cerveau apprennent par les signaux qui les traversent.

Évoquer la possibilité d’une fusion entre les intelligences de l’humain et celle de la machine renforce l’idée qu’il s’agit bien d’intelligences de même nature. On la retrouve dans le robot Baxter  « le robot qui apprend en lisant nos ondes cérébrales ».

 Les scientifiques ont remarqué que lorsque notre cerveau perçoit une erreur, il envoie un signal spécifique, nommé en anglais « error-related potential ». Cela permet à Baxter de comprendre quand il est en train de commettre une erreur et, donc, de se corriger.

Le résultat pratique est le même que d’appuyer sur un bouton pour lui dire qu’il se trompe, mais sur le plan idéologique… ç’est toute autre chose.
Cependant, si au-delà du cerveau, de ses annexes et des organes destinés à la perception, la totalité du corps participe à la pensée, on ne peut plus parler d’intelligences de même nature entre l’humain et le robot, et probablement plus d’intelligence artificielle du tout, puisque pour “fabriquer de l’intelligence” il faudrait “fabriquer du vivant”. Il faudrait sans doute en passer par là pour obtenir des capacités d’adaptation, d’intuition, de créativité comparables à celle de l’humain et indissociables sans doute d’une forme de bêtise très spécifique et très différente de celle du robot.
Le moine, le robot et la sérotonine apparaissent comme les protagonistes d’une idéologie qui complique l’approche de ce qu’on appelle “l’intelligence artificielle”.
Quel crédit faut-il accorder à des prédictions vouant l’intelligence humaine a être “dépassée” par celle de la machine, si les deux ne désignent plus ni les mêmes processus ni les mêmes capacités? En outre, les exemples désormais quotidiens de ce “dépassement” n’apportent rien de véritablement nouveau: de la moissonneuse-batteuse à l’appareil photo en passant par le tire-bouchon, les machines n’existent que pour réaliser ce que l’homme ne peut pas faire ou l’exécuter avec davantage de puissance ou de vitesse. Une machine qui n’est pas capable de dépasser l’homme sur des tâches particulières n’a pas lieu d’être inventée… ce qui ne la rend pas “globalement supérieure à l’homme”. Or c’est bien cette idée-là qu’on nous sert avec le robot.
Si le corps et l’esprit ne sont plus séparables, les transhumanistes se trompent… et les religieux sans doute aussi. Mais le débat n’est pas clos pour autant, car si l’intelligence ne sert plus qu’à comparer des courbes et à traiter des chiffres, le recours à l’intestin n’est sans doute plus requis. L’esprit, ainsi simplifié, pourrait de nouveau être séparé du corps et entrer de nouveau en compétition avec l’intelligence artificielle, elle-même redevenue acceptable en tant que concept. On le voit, la condition nécessaire et suffisante pour que les transhumanistes, comme les religieux, puissent espérer ne pas se tromper est donc… la simplification de l’esprit. Le robot ne pourra jamais se hisser au-dessus d’un certain niveau “d’intelligence”… l’homme, par contre, parait tout à fait capable de descendre… très en dessous de ce qu’il devrait être… et même peut-être encore plus bas. Il l’a déjà maintes fois démontré.

 Depuis quinze ans, la moyenne du quotient intellectuel dans les pays développés a chuté. En France, elle a perdu quatre points entre 1999 et 2009.

… mais çà n’a peut-être aucun rapport avec ce billet…
… ni avec la montée du Front National.

 

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