Qu’il évolue dans les univers du fantastique ou de la science-fiction, l’humain reste perçu comme tel aussi longtemps qu’il habite une
peau humaine. Nous sommes ainsi plus enclins à penser que les humains du futur puissent être dotés de cerveaux assistés ou d’yeux bioniques que d’une
peau artificielle.
Que peut-on dire aujourd’hui sur la peau? Sur quels phénomènes ou tendances s’appuyer pour envisager des évolutions dans ce domaine?
le point sur la peau
Sur le plan économique, la peau nous renvoie à un marché en croissance continue: celui des
cosmétiques . Troisième secteur d’exportation pour la France après l’aéronautique et les boissons, il est actuellement estimé à un peu plus de 200 milliards d’euros, répartis de la façon suivante:
Avec des sociétés telles que L’Oréal, Unilever ou Procter & Gamble, une force de vente considérable pourrait être mobilisée, si des évolutions majeures apparaissaient productrices de profits dans ce secteur. La pénétration de concepts nouveaux pourrait être très rapide.
Dans un registre voisin, il faut mentionner les
allergies. Beaucoup affecteront le système respiratoire, mais les perturbations diverses altérant notre milieu de vie (pollutions par les ondes ou les particules, irradiations, mutations liées au changement climatique) pourraient avoir un impact sur la qualité de peau d’un nombre croissant d’humains.
Là encore , énorme marché en perspective susceptible, en outre, de fusionner avec le précédent.
Les allergies n’ont cessé d’augmenter au cours des dernières années. Les experts estiment que la moitié de l’humanité pourrait être touchée par une pathologie allergène d’ici 2025
Le thème de la peau nous amène évidemment à la mode actuelle du
tatouage, dont
le mondial 2018 vient d’avoir lieu à Paris,… ainsi qu’à son très incertain corollaire: le
détatouage
Dans le domaine scientifique,
une réalisation médicale récente et particulièrement spectaculaire nous montre qu’en s’appuyant sur la
génétique, une peau humaine peut être
fabriquée
Un groupe d’ingénieurs a réussi à y intégrer des diodes en polymères qui n’ajoutent aucune épaisseur. Ces diodes peuvent émettre de la lumière rouge, bleue ou verte, ce qui peut être utilisé pour signaler les niveaux d’oxygène dans le sang ou le rythme cardiaque. Cette « électro-peau » peut mesurer les battements par minute de la même manière que tous les nouveaux instruments de mesure sportive
À partir de la peau, on arrive également, via le biomimétisme, à des matériaux de nouvelle génération offrant la possibilité de “
programmer la peau”, voie sur laquelle travaille notamment la
Cornell University
Bien que l’équipe ait été influencée par les techniques de camouflage, son projet a une portée beaucoup plus large. Les ingénieurs ont en effet indiqué que la peau synthétique peut offrir des avantages importants dans les scénarios où le contrôle de la température est primordial. Le matériel pourrait être programmé de telle sorte que sa configuration 2D reflète la lumière, alors que son arrangement 3D l’absorbe, et régule ou manipule la température si nécessaire.
quelques postulats sur le futur de la peau
la désacralisation de la peau
Alors que la peau constituait l’attribut quasi-sanctuarisé de l’humain, elle devient quelque chose que l’on modifie, que l’on fabrique, sur laquelle on dessine et dans laquelle on s’apprête à incorporer toutes sortes de technologies à toutes sortes de fins. La mode du tatouage constitue l’expression la plus visible de cette désacralisation. Sa filiation à des pratiques ancestrales qui en fonderaient l’authenticité est cependant assez réductrice: désacraliser la peau dans une société pilotée par les hautes technologies n’a pas les mêmes implications que dans une société tribale. Dans le second cas, il s’agit d’une fin en soi aux significations symboliques ou religieuses, alors qu’ici et maintenant, c’est “aussi” une porte qui s’ouvre vers d’autres pratiques.
la propension des technologies à “se rapprocher du corps”
Ce qui était tributaire d’un câblage a été libéré par les ondes. Ce qui relevait du matériel de bureau est devenu mobile, puis miniaturisé et associé au corps, comme les montres ou les kits mains libres. Les enceintes de salon sont devenues des oreillettes en attendant que les écrans de télévision deviennent peut-être de simples lunettes. On le voit ci-dessus, ce qui relevait du vêtement tend à se coller à la peau. Ce qui colle à la peau tend à s’y incorporer.
la peau face aux mutations de l’environnement
Les agressions qu’exercent sur nous les dégradations de l’environnement, évoquées ci-dessus au travers du développement des allergies, vont sans doute compter – si l’on ose dire – un auxiliaire supplémentaire de poids: les nanoparticules. Elles existent depuis toujours, mais aujourd’hui on en fabrique des inédites… et on en fabriquera probablement de plus en plus, car il s’agit d’un secteur aux possibilités vertigineuses.
Or:
Les nanoparticules ont une taille qui les place entre la matière macroscopique et l’échelle moléculaire, elles sont dangereuses pour l’organisme, car elles sont plus petites que nos cellules. Elles sont si petites qu’elles traversent notamment sans difficulté la barrière encéphalique chez les humains.
la peau, la préservation des ressources et le changement climatique
Les vêtements et sous-vêtements techniques, devenus courants, notamment pour les sportifs, offrent des fonctions de filtres de plus en plus élaborées pour les transferts de chaleur et d’humidité. Ces aptitudes incorporées aux vêtements n’auront-elles pas vocation à être transférées à la peau, selon un glissement tel qu’évoqué plus haut – voire par des manipulations génétiques -? Peut-on dès lors exclure que le concept de peau programmable, mentionné ci-dessus et actuellement à l’état de prototype, puisse devenir ce que l’on a coutume d’appeler une technologie de rupture… et dans un domaine où on ne l’attendait… vraiment pas du tout?
Le plongeur sous-marin ne chauffe pas la mer, seulement l’intérieur d’une “seconde peau”. Les ressources se raréfiant, ne sera-t-il pas perçu comme plus économe et plus rationnel de chauffer ou rafraichir le corps plutôt que l’habitat? Ne retrouve-t-on pas dans ce principe, qui consisterait à rejoindre le monde animal en s’appuyant sur des technologies de dernière génération, une de ces “logiques paradoxales” dans lesquelles on se plait à voir le signe d’un futur bien pensé?
en guise de conclusion provisoire
Une fois acquis le principe d’une modification de la peau, quelles seraient les nouvelles limites de sa légitimité? Une accumulation de transformations pourrait-elle être durablement sans impact sur son aspect?… sur sa texture?
Peut-on imaginer aller jusque là?
… même pas très brutalement, sous l’effet d’une mode, comme pourrait l’être celle du tatouage 3D?
… ni au contraire très progressivement sous l’effet de transformations successives?
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