Rétro-futurologie. Nous sommes au début des années 80 et nous écoutons un futurologue “virtuel“ nous évoquer l’avenir du football:
• L’intérêt pour le football ne va faire qu’augmenter (1)
• Le budget des clubs va aller croissant (1)
• Les grands joueurs vont coûter de plus en plus cher (1)
• Le financement par la publicité va aller croissant. Les ressources des clubs vont devenir très dépendantes des résultats sportifs (2)
• L’équilibre financier des clubs va être de plus en plus difficile à assurer dans la durée (2). L’économie du football est menacée à moyen terme
• Le star-system va envahir le milieu du football à l’instar de celui du cinéma (1)
• Il va progressivement s’opposer à l’idée d’équipe et isoler des individus (2)
• Les matchs de football vont être de plus en plus regardés sur des écrans de télévision (1)
Parallèlement:
• L’image de synthèse va faire des progrès considérables et permettre de construire de véritables réalités virtuelles comme on commence à le voir au cinéma (3)
• La motion capture, aujourd’hui en développement dans les laboratoires de l’armée, va permettre une grande fidélité dans le rendu des mouvements (4)
• Le football sur consoles de jeux va se développer. Le nombre de pratiquants va augmenter (5)
• Les consoles de jeu vont familiariser le public avec la réalité virtuelle. Leur puissance va augmenter. Elles vont intégrer les progrès de la VR (1) (8)
• Des compétitions de football virtuel vont être organisées (2)
• Le football virtuel va produire ses propres stars (6) à la fois stratèges, manipulateurs de console, voire créateurs de joueurs (2)
• Le rendu sur écran de télévision devenant similaire à celui du football vivant (6) , les gens vont se passionner pour ces rencontres, faire des paris … (7)
• On ira au stade pour assister à des rencontres entre deux players-vedettes (8) sur écrans géants
Tout amène à cette conclusion: le football ne sera plus un spectacle vivant dans trente ans
Cette “rétro-prévision“ amène deux remarques:
- Tous les indices existaient au début des années 80 pour émettre les hypothèses ci-dessus (voir pied de page)
- Ce futurologue aurait été suffisamment clairvoyant pour avoir raison sur quasiment chacune d’elles
On notera au passage que rares sont les prévisions de futurologues aussi bien construites et argumentées 🙂
Ainsi, en opérant des projections logiques à partir d’hypothèses justes, il est possible … d’avoir tout faux! … en tout cas pour l’instant.
Pourquoi?
Tout est juste dans ces hypothèses préalables… sauf une chose: l’évidence d’une convergence entre le monde réel et le monde virtuel
Pourquoi cette fausse évidence?
- La “dictature de l’image“ nous pousse à penser que l’équivalence “visuelle“ induit l’équivalence “globale“ (or, la réalité virtuelle n’a fait ici “qu’ajouter un monde supplémentaire au premier“ sans se fondre avec lui)
- Le “culte de l’innovation“ nous amène à penser que ce qui est nouveau est appelé à facilement triompher de l’existant (or, c’est le football sur console qui est devenu un produit dérivé)
- La rencontre des grandes thématiques sociales et technologiques n’est pas automatique
- La science-fiction nous a conditionnés dans l’idée radicale de la non-coexistence des mondes: l’ancien disparait, le nouveau le remplace… ce qui est “la plus fausse“ de toutes les hypothèses de la futurologie (exemple: en 2014, même la connexion à internet ne concerne que 40% de la population mondiale).
- C’est ainsi que les progrès actuels du e-sport cohabitent avec ceux du spectacle sportif vivant
Si beaucoup mettent en cause l’intérêt de la futurologie, notons qu’elle constitue, au minimum, un excellent révélateur des idéologies du présent. Nous allons d’ailleurs y revenir dans d’autres domaines.
(1) Tendances parfaitement claires dès cette époque
(2) Implications logiques
(3) Mondwest (1973) – Star Wars (1977) – Tron (1982)
(4) années 80
(5) NASL football sorti en 1979 — le premier FIFA en 1993
(6) voir FIFA 2015
(7) en 1972, le championnat du monde d’échec entre Fischer et Spassky avait fait l’objet d’une très forte couverture médiatique
(8) … à l’image de ce que sera plus tard, par exemple, le concert de David Guetta au stade de France
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