vers un âge d’or de la superstition

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Les conditions d’un grand retour de la superstition semblent réunies. Quelles conséquences peut-on en attendre?


la superstition


Le superstitieux est en tout premier lieu quelqu’un qui “veut croire”.

De là découlent plusieurs caractères importants de la superstition:
  • “Vouloir croire” fait de la superstition un produit de l’espérance. Elle est d’ailleurs notoirement plus active dans les situations de risque ou d’incertitude.
  • Produit de l’espérance, donc de la crainte puisque l’une ne va jamais sans l’autre.
  • L’espérance est une attitude paresseuse: «une espérance, c’est un désir dont la satisfaction ne dépend pas de nous […] par différence avec la volonté». (->)
  • En tant qu’attitude paresseuse, la superstition se nourrit de simplifications.
  • Le superstitieux veut croire en dehors des sciences ou des religions officielles. On dirait aujourd’hui qu’il se veut “hors système”.
Face aux épreuves et aux incertitudes, la superstition peut se définir comme un placebo intellectuel.
PLACEBO: Substance sans principe actif mais dont la prise peut avoir un effet psychologique bénéfique sur le patient. (le Robert)

Le superstitieux croit à l’action déterminante de forces occultes

«Jamais rien n’arrive sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante». Ce principe dit de la “raison suffisante”, énoncé par Leibniz (1668), fonde la démarche scientifique… alors même qu’il fonde aussi la superstition qui, sur la base de la même logique, s’approprie les délaissés de la pensée rationnelle tels que la chance, la malchance ou le hasard.
Ces délaissés sont donc supposés déterminés eux aussi, mais par des forces d’une autre nature, vouées à nous rester cachées, mais susceptibles d’être entrevues au travers de leurs associations à des éléments plus tangibles.
La superstition est ainsi une croyance qui s’applique à des corrélations.
À tort ou à raison, une corrélation entre deux phénomènes est généralement supposée révéler une relation de cause à effet directe ou indirecte. D’où l’idée, pour le superstitieux, de tenter de pénétrer ou d’infléchir “l’occulte” par l’intermédiaire de son “tangible associé”.
Les forces occultes liées à la superstition recyclent également de diverses manières les notions religieuses du Bien et du Mal. Le Mal, simplifié à l’extrême, y est monolithique. Ainsi, deux incarnations supposées du Mal apparaitront automatiquement liées, ce qui aboutit aux dérives les plus effrayantes telles que les boucs émissaires ou les théories du complot. Il s’agit là de dérives intemporelles. En cas de poussée de la superstition, on les retrouvera dans le futur, plus actives que jamais.

les stimulants actuels et futurs de la superstition


La corrélation est l’âme même du traitement massif de données qui en fait mécaniquement apparaitre une multitude. Chacune d’elle peut prendre valeur d’information, voire d’événement, une fois prise en charge par les médias. Les corrélations tendent ainsi à devenir un produit de grande consommation.
En l’absence d’évaluation – de fait impossible dans la temporalité médiatique – toutes se valent et ne se départagent que sur la base de croyances préexistantes. Ce qui autorise n’importe quelle annonce de ce type, même les plus infondées.
L’approche scientifique elle-même s’appuie sur des corrélations et – via les probabilités – ne livre pas de certitudes absolues (->). Le superstitieux peut dès lors se sentir renforcé dans ses convictions, dont la consolidation s’effectue par ce qui est connu sous le nom de “biais de confirmation”. Il s’agit d’une tendance spontanée de l’esprit à valoriser les éléments qui vont dans le sens de ses croyances et à occulter les éléments qui les contredisent. Or, les médias nous inondent en continu de faits de toute nature, susceptibles de renforcer ou de contredire… n’importe quelle hypothèse.
Et rien ne permet de penser que ces mécanismes puissent s’affaiblir dans l’avenir.
Dans le futur on peut attendre beaucoup de situations d’incertitude et de crises, soit autant de terrains favorables à la superstition.
Par ailleurs, la marche du monde apparait de plus en plus difficile à déchiffrer, stimulant la tentation démissionnaire face à une trop grande complexité. Celle-ci tend alors à être globalement rejetée dans l’occulte. Ce mécanisme a, de tout temps, alimenté les credos religieux et autres superstitions.

du chat noir à l’absurde


En s’appuyant sur les délaissés de la pensée rationnelle, la superstition est vouée à côtoyer d’autres absurdes.
Or, si radicales qu’elles soient, les hypothèses du futurologue restent fondées sur une certaine logique. Se pourrait-il qu’il s’agisse d’un biais de raisonnement?

Car alors qu’un clown s’apprête à affronter un grabataire pour la présidence de la première puissance mondiale et qu’un fils à papa coréen rêve de guerre nucléaire, c’est bien un futur absurde qui semble prendre pied dans notre présent


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