réalité virtuelle: et si la science-fiction se trompait encore

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Le futur de la réalité virtuelle n’est pas encore écrit, mais il va l’être sans doute assez rapidement, ne serait-ce que parce qu’il s’agit du dernier support de consommation de masse que peuvent encore espérer promouvoir les géants de l’électronique. Ensuite (ou à la place) ils ne trouveront probablement plus que des déclinaisons de produits à moindre valeur ajoutée ou un marché de l’électronique embarquée où ils ne seront plus que simples fournisseurs. La fameuse “rupture” dont on parle tant en futurologie pourrait cette fois les concerner… surtout eux.
Nous allons donc reprendre les principes identifiés dans le billet précédent pour formuler quelques hypothèses sur le futur de ce domaine sans doute appelé à beaucoup de perturbations dans les années qui viennent.
Une des difficultés de cette tâche est liée au fait que la réalité virtuelle est l’objet d’applications spectaculaires dont il est difficile de s’abstraire complètement dans des analyses qui se voudraient rationnelles. Qu’il s’agisse des promesses d’un futur tourisme virtuel qu’offre la version VR de Google Earth, de la téléportation par hologramme, ou de la résurrection holographique de feu le rappeur Tupac Shakur .
Essayons, néanmoins.


la réalité virtuelle et la futurologie de l’idée


L’immersion.

Depuis l’origine, elle est intimement liée à l’idée de réalité virtuelle. La science-fiction s’en est abondamment nourrie, et de longue date, dans ses développements sur la confusion des mondes et sur l’ubiquité. Les jeux vidéos en vue subjective, notamment les “DoomLike”  ont collaboré à consolider l’apparentement des deux concepts, encore renforcé par la création d’univers virtuels comme Second Life  et par les progrès de l’image de synthèse et de l’immersion sonore véhiculés par le cinéma. La réalité virtuelle immersive nous promet des mondes qu’on ne serait plus en mesure de distinguer du nôtre. S’imposerait alors l’obsédante question évoquée encore récemment par une source aussi sérieuse que le journal du CNRS: «Peut-on se noyer dans le virtuel?».
Voilà pour l’idée. Voilà pour la représentation “traditionnelle” du concept de “réalité virtuelle”.


réalité virtuelle: le déplacement du focus


Deux phénomènes sont actuellement en train de faire évoluer l’image mentale associée à la réalité virtuelle: le réveil des hologrammes et l’émergence de la réalité augmentée. Un constat immédiat: aucun des deux ne se réfère à l’immersion.

le réveil de l’hologramme

L’hologramme s’est longtemps limité au rôle secondaire d’objet de curiosité (le musée de l’holographie a été crée en 1980). Il redevient aujourd’hui l’objet d’intenses recherches visant à en faire le support de pratiques nouvelles. Il faut cependant noter que celles-ci concernent principalement les utilisations professionnelles. On mentionnera la maintenance,  ainsi qu’une large palette d’applications avancées par Microsoft pour ses lunettes Hololens  ou par le fournisseur de kits de développement, Meta . Ces recherches concernent jusqu’à la simulation de la matérialité avec le retour haptique . En émergent d’étonnantes promesses comme le clonage holographique à visées médicales.
hologramme_coeur

la réalité augmentée informative

Portée par la publicité que lui ont faite les Google Glass, puis le Pokemon, la réalité augmentée s’installe aujourd’hui dans la réalité virtuelle.
La réalité augmentée désigne les systèmes informatiques qui rendent possible la superposition d’un modèle virtuel 2D ou 3D à la perception que nous avons naturellement de la réalité et ceci en temps réel.
realite_augmentee
En fait, la définition du terme pourrait en faire un équivalent pur et simple de celui de “réalité virtuelle” dans la mesure où tous les environnements de synthèse consistent en l’incorporation de composants “fabriqués” et qu’il est douteux que la réalité virtuelle se limite à une représentation du monde tel qu’il est. Le nouveau libellé de “réalité mixte en témoigne. La nouveauté dont nous parlons ici consiste en l’incorporation d’informations liées à ce que l’on voit, à la manière des Google Glass, et qui constitue effectivement une voie particulière.


réalité virtuelle: l’interprétation des tendances


Au début des années 90, apparut le Quicktime VR d’Apple . Les deux grandes problématiques de la réalité virtuelle étaient popularisées par cette nouvelle technologie:

  • une réalité virtuelle d’environnement consistant à offrir à l’observateur une vision à 360° d’un environnement dont il occupe le centre: les visites virtuelles en ont été les premières applications. On la retrouve aujourd’hui dans les environnements immersifs.
  • une réalité virtuelle d’objet consistant à faire tourner un objet devant les yeux de l’observateur. Initialement utilisée sur les boutiques en ligne, on la retrouve aujourd’hui dans les hologrammes.
Deux voies dès l’origine très distinctes, appuyées sur des algorithmes très différents et sur des “philosophies” potentiellement très divergentes. La réalité virtuelle d’environnement à vocation à produire des sensations liées à une immersion, alors que la réalité virtuelle d’objet à une finalité d’observation qui la rattache au domaine de l’information.
Sur cette base, l’essor actuel de l’hologramme pourrait témoigner, dans l’exploitation de la réalité virtuelle, d’une primauté en marche de l’observation sur le ressenti.
Cette interprétation se verrait confirmée par l’émergence de la réalité augmentée informative
    • qui, d’une part, contrarie le sentiment d’immersion par l’incorporation d’objets “non réalistes” et voulus comme tels
    • et d’autre part s’inscrit dans le même univers que l’observation: celui de l’information

Ce glissement appelle aussi l’hypothèse d’un affaiblissement du ressenti. La réalité virtuelle d’environnement aurait vocation à étonner. Or, non seulement on ne peut pas étonner longtemps avec la même chose, mais les médias travaillent depuis (trop) longtemps à transcrire et diffuser en image “tout ce qui est étonnant”. La réalité virtuelle d’environnement arriverait peut-être trop tard auprès d’un public que trop de gens se sont employé, depuis trop longtemps à étonner avec trop de choses. L’étonnement lié à la réalité virtuelle, s’il est dénué d’usage tangible, pourrait ne durer que le temps d’un “waouh”, avant de s’éteindre dans la mort prématurée qui est le lot des gadgets.


la réalité virtuelle & ses marchés


le marché professionnel

Il est probable que le marché professionnel va se nourrir beaucoup plus d’informations que de ressenti. Seules certaines activités de formation pourraient exploiter les possibilités d’une réalité virtuelle immersive. Par ailleurs, pour la cible professionnelle, l’hologramme a des concurrents (image, vidéo et surtout représentation 3D sur écran) par rapport auxquelles il faudra, pour durer, offrir une plu-value tangible.

la grande consommation

Pour ce qui concerne la grande consommation, il faut souligner que celle des smartphones d’aujourd’hui n’est plus tout à fait celle des lave-linge d’hier. À l’époque, les arguments fonctionnels suffisaient. Aujourd’hui le profit des multinationales exige davantage, c’est à dire la possibilité de rendre captive une population significative d’utilisateurs. La réussite d’un produit de grande consommation dépend aujourd’hui de sa capacité à générer une forme d’addiction (voir: «une société dont l’addiction serait l’unique moteur»: la télévision, les réseaux sociaux, les smartphones ont satisfait à cette exigence.
Deux types d’addiction peuvent être imaginées autour de la réalité virtuelle
  • celle qui est associée à l’immersion, une addiction du ressenti. Elle s’apparente à celle des “paradis artificiels”, en d’autres termes à celle des stupéfiants. C’est celle où “on se noie dans le virtuel”.
  • l‘addiction aux petites nouveautés, associée à l’information qui s’inscrirait dans le droit fil de celle des réseaux sociaux et des messageries

 simuler des volumes ou des surfaces?


L’immersion dans un environnement de synthèse suppose une simulation de volumes, alors qu’en dehors du parlé, et quelle que soit sa nature (texte, image, feuilles de calcul, vidéo,…), l’information se diffuse sur des surfaces. C’est ce qui a fait de l’écran, sous toutes ses formes, l’objet le plus incontournable des pratiques actuelles.

Le glissement du ressenti vers l’observation devrait logiquement induire un glissement de la simulation des volumes vers la simulation des surfaces.
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La réalité virtuelle est en train de banaliser un certain type d’équipement dédié (lunettes ou casques). Principalement vendu sur sa capacité à simuler les volumes, celui-ci est tout aussi adapté à simuler un écran de grande taille, comme le montrait la présentation initiale des lunettes Glyph déjà évoquée dans ce blog par le passé.
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L’eye tracking (pilotage par le regard), objet d’intenses recherches actuelles (comme Fove , EyeFluence  ou Orbits ) permettrait, par défilement, de faire de ce grand écran… un écran encore plus grand… voire virtuellement illimité.
On imagine que des indicateurs visuels signalant qu’il “se passe quelque chose” quelque part à droite, à gauche, au-dessus ou en dessous, viendraient soutenir l’indispensable addiction aux petites nouveautés, et ce dans les différents types de contenus: vidéos, réseaux sociaux, téléconférences, lecture, image, films et bien sûr… publicité.
En outre, aucune transformation dans la production des contenus ne serait requise pour ce faire.

en guise de conclusion provisoire


Là où la science-fiction nous avait promis ceci

univers_virtuel
un futur proche pourrait bien nous proposer… cela
murecran_480

 

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