les catastrophes à venir et leurs futurs compagnons de route

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Guerres et climat – urgences – misère & migrations – coûts – égoïsmes & solidarités – indicible & communication – anormalités & légitimités – idéologies – …

Fatalité, colère divine et autres superstitions ont été les compagnons de route historiques des grandes catastrophes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
(*) La catastrophe, sitôt reconnue, devient objet de discours qui dépassent de loin la simple description. Ceux-ci posent des attendus, des causes proches ou lointaines, et puisent dans différents registres du jugement les moyens de lui donner un sens …/… Les grands désastres, en raison de leur vide de sens initial, se comportent en réalité comme des «puits de causalités», attirant à eux des logiques capables de les transformer en faits attendus.
L’approche des catastrophes semblerait s’être rationalisée.

les catastrophes sont aujourd’hui “attendues”…


… du côté du climat:
(*) Selon l’Organisation Météorologique Mondiale, le nombre de phénomènes météorologiques, climatiques et hydrologiques extrêmes continue de progresser. Du fait du changement climatique, ils deviendront plus fréquents et plus violents dans de nombreuses parties du monde. Nous devons donc nous attendre à davantage de vagues de chaleur, de périodes de sécheresse et de feux de forêt tels que ceux qui ont sévi récemment en Europe et en Amérique du Nord. Le taux plus élevé de vapeur d’eau dans l’atmosphère exacerbe les précipitations extrêmes et les inondations meurtrières. De plus, le réchauffement des océans a une incidence sur la fréquence des cyclones tropicaux les plus intenses.
… du côté des bruits de bottes:
(*) Tirées par l’Ukraine, les importations d’armes ont doublé en Europe en 2022 …/… S’il est difficile à chiffrer du fait de l’opacité de nombreux contrats, le commerce mondial d’armement dépasse les 100 milliards de dollars annuels, selon les experts. Pour un montant global des dépenses militaires qui a pour la première fois franchi les 2 000 milliards de dollars en 2021, selon le Sipri.
… du côté de nouveaux 11 septembre 2001
… du côté de futurs Fukushima ou autres Tchernobyl
… du côté de futures épidémies.
Attendre une catastrophe c’est penser en termes de risques. La montée de cette pensée dans l’opinion consolide une idéologie assez nocive, outil de pouvoir aux multiples ramifications (voir “Risque, gestion & transfert de risques: l’économie du futur”).

les catastrophes sont “communiquées”…


Plus les catastrophes s’accumulent plus se trouve alimenté le discours sur leurs causes. Les causes de l’une ayant évidemment vocation à en produire d’autres, les discours associés à une catastrophe tendent à se substituer à la réalité de celle-ci. On se familiarise avec l’anormal. Cette banalisation relative, amputée des caractères de nouveauté et d’étonnement, rejoint les dérives de l’évènement abordées dans le dernier billet.
L’importance de la catastrophe sera exprimée par des chiffres, en nombre de morts ou en millions de dollars. Des images – surtout d’enfants – seront mobilisées pour induire de l’émotion… “au-delà des chiffres”. Mais on s’habitue à tout et insensiblement à l’un comme à l’autre.
Derrière un discours convenu de funérailles, un compagnon de route des catastrophes – surtout celles des autres – s’est aujourd’hui bien installé: l’indifférence.

les catastrophes et la misère


Les relations des catastrophes à la misère se formulent de façons totalement différentes selon la pauvreté préexistante.
(*) Chassés de leurs terres par la misère, les Bangladeshis construisent des abris de fortune dans les endroits les plus exposés, aussi la nature comme un mauvais destin semble-t-elle s’acharner sur eux.
Une autre réponse: la migration.
(*) Selon un rapport de l’Unicef publié ce jeudi, les catastrophes climatiques ont entraîné 43,1 millions de déplacements d’enfants à l’intérieur de 44 pays, dont l’immense majorité sont liés aux inondations et aux tempêtes.
L’approche pour les populations “solvables” est tout autre, mais la relation à la misère n’en est pas absente pour autant:
(*) Aux États-Unis, face aux risques climatiques, 39 millions d’habitations, soit près d’un quart du pays, ne trouvent déjà plus d’assureurs privés. En cause, des coûts devenus exorbitants et l’abandon par les assureurs de certaines zones. Or, selon un rapport de la First Street Foundation, cette situation pourrait s’aggraver.
Pourquoi cette situation pourrait-elle s’aggraver?
(*) «De plus en plus de vies sont sauvées grâce aux systèmes d’alerte précoce, mais il n’empêche que le nombre de personnes exposées aux risques de catastrophe ne cesse d’augmenter en raison de la croissance démographique dans les zones à risque, de même que de l’intensité et de la fréquence croissantes des phénomènes météorologiques.
Un autre compagnon de route de la catastrophe est aujourd’hui – et sera sans doute bien davantage demain – la misère.

la temporalité de la catastrophe


Ce qui caractérise la catastrophe par rapport – si l’on ose dire – au désastre ordinaire, c’est sa relative brièveté… cette même brièveté qui différencie le terrorisme de la guerre… cette brièveté qui la qualifie en tant qu’évènement. La brièveté de la catastrophe est surtout liée à une dimension de communication. Un incendie géant peut ainsi se dérouler sur une longue durée, mais ce qui va en faire une catastrophe c’est le moment où sera révélée son ampleur… voire son bilan.
La violence de son impact induit une seconde caractéristique temporelle: l’urgence (nous allons y revenir).
Auxquelles va s’ajouter la longue durée du retour à une certaine normalité matérielle, économique, sanitaire et humaine.
Ces caractères sont les constituants fondamentaux de l’idée de catastrophe. Ils seront toujours bien présents dans le futur.
Ce qu’il faut néanmoins remarquer c’est que chacune de ces dimensions implique des mises en cause particulières qui vont alimenter les médias:
  • les causes de la catastrophe elle-même et les modalités de sa prévention
  • les structures existantes supposées permettre une réponse à l’urgence
  • les moyens consacrés à un retour rapide à la normale
Il est ainsi probable que la pensée des futures catastrophes sera de plus en plus alimentée par une inflation de discours… de plus en plus radicalisés… pour forcer l’indifférence croissante évoquée plus haut.

le brouillage typologique


Le phénomène sans doute le plus nouveau, mais qui va affecter tout particulièrement la pensée future des catastrophes, est le “brouillage typologique”.
Que faut-il entendre par là?
L’intensification des catastrophes naturelles va sans doute provoquer un nombre croissant d’accidents industriels et nucléaires
(*) L’accident nucléaire de Fukushima est un accident industriel majeur survenu au Japon à la suite du tsunami du 11 mars 2011 …/… L’accident nucléaire de Fukushima est ce qu’on appelle au Japon un Genpatsu-shinsai, un accident combinant les effets d’un accident nucléaire et d’un séisme.
Les catastrophes habituellement considérées comme naturelles pourraient être provoquées “militairement”:
(*) La destruction du barrage de Kakhovka, situé dans la partie toujours occupée par la Russie de la région de Kherson, au sud de l’Ukraine, a provoqué ce mardi 6 juin des inondations dans les zones alentour.
On peut imaginer de la même façon que des incendies géants soient provoqués, en période de sécheresse, par des actions de type militaires (missiles, drones…).
(*) L’incendie qui s’est déclaré samedi dernier sur le terrain militaire de Canjuers (Var) a ravagé près de 1800 hectares. Ce n’est pas la première fois que des exercices militaires sont à l’origine de feux dévastateurs.
Auxquelles il faudra bien sûr ajouter les capacités de cyber-déclenchement de catastrophes industrielles ou nucléaires. Auxquelles il faudra bien sûr ajouter les déclenchements volontaires d’épidémies diverses et variées affectant humains, animaux ou cultures…
Le brouillage typologique des catastrophes, en s’appuyant sur des possibilités réelles, est ainsi de nature à alimenter toutes les spéculations … ce qui ne peut que remettre au goût du jour un des plus vieux compagnons de route des catastrophes: la superstition… mais sous le terme plus actuel de “théorie du complot”.
Un essor de la superstition peut, en outre, être posé comme un signe intemporel de déclin. Nous allons y revenir dans un prochain billet.

compagnons de route du futur


L’exigence principale, celle de la capacité à réagir en urgence, face à une augmentation du nombre de catastrophes et à leurs brouillages typologiques, devrait déboucher sur une importance croissante des structures militaires, qui apparaissent comme seules capables de mobiliser des ressources humaines et matérielles importantes, de façon organisée, en un laps de temps relativement court.
Une emprise croissante et bien acceptée des armées devrait en découler…

… avec les régimes politiques qui vont avec.


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