l’anglais: de l’hégémonie à une domination ambivalente

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Vers toujours plus d’anglais ?

 

Nombreuses sont les raisons de voir l’anglais étendre sa domination dans le futur :

L’anglais est ressorti renforcé de toutes les grandes évolutions du monde depuis plusieurs siècles

• Empire colonial anglais
• Remplacement de l’hégémonie britannique par l’hégémonie américaine
• Deux guerres mondiales
• Émergence des sociétés multinationales anglophones
• Développement de la consommation culturelle (musique, cinéma…)
• Révolution informatique
• Révolution des échanges numériques

L’anglais est plus que jamais présent

• Dans les organisations internationales politiques, militaires et financières
• Comme langue de travail de l’Union Européenne en dépit même des statuts de celle-ci
• Dans les multinationales de l’industrie et de la finance
• Dans les échanges scientifiques, culturels et commerciaux

Le développement viral de l’anglais dans les vocabulaires de tous les pays

• C’est le langage de toutes les spécialités… sauf la cuisine 🙂

Psychologiquement, l’usage de l’anglais s’est totalement dédramatisé pour les non-anglophones

• Par une proximité culturelle de longue date dans les pays développés
(cinéma, téléfilms, variétés, romans policiers, littérature…)
• Par l’installation ancienne dans les programmes scolaires
• Par le caractère de fatalité et de passage obligé pour les pays au développement récent

Dans de nombreux pays, l’anglais “classique“ fonctionne comme la langue de la classe sociale supérieure : en Inde, par exemple : (Tarun Tejpal – écrivain et journaliste)

La classe supérieure, qui possède l’argent et l’éducation, est anglophone depuis trois cents ans… il suffit de connaître l’anglais pour appartenir à cette élite, en fait une infime minorité.

La légitimité de l’anglais dans les échanges linguistiques est, aujourd’hui, établie comme une évidence, très bien résumée par Dominique Hoppe, Président de l’Assemblée des fonctionnaires francophones des organisations internationales (AFFOI):

Il y a un aspect de la réalité opérationnelle telle qu’elle est partout, pas seulement dans les organisations internationales : on va au plus simple, au moins cher, au plus facile, au soi-disant plus efficace. Une seule langue pour un seul mode de pensée, pour un seul type de solutions avec un seul type d’outils.

L’anglais peut donc être considéré comme la langue de la pensée unique, ce qui referme le cercle de sa non-remise en cause.

 

Vers un déclin de l’anglais ?

 

 

Cette inébranlable hégémonie de l’anglais ne repose-t-elle pas sur un point de vue trop “occidental“? Un asiatique en aurait-il la même perception ?

Tout d’abord, il nous faut relativiser l’indépendance culturelle de l’Asie (lien):

La romancière britannique J.K. Rowling a généré quelque 15 millions de yuans de revenus sur cette année, soit 1,85 million €. Ce faisant, elle devient pour la deuxième année consécutive l’auteure étrangère la plus lue en Chine. Dans la liste 2012, on retrouve… Walter Isaacson, à la troisième place pour sa biographie de Steeve Jobs.

Mais si  l’on considère avec les yeux d’un chinois, l’observation des échanges sur internet posés comme représentatifs de l’évolution générale, voire comme véhicules de cette évolution, que voit-on ?

Selon une étude de Marbridge Consulting:

En octobre 2012, les parts de marché en Chine des grands moteurs de recherche que nous connaissons étaient respectivement : Google (4,72%), Bing (0,52%), Yahoo(0,25%) – tous très loin du géant local Baidu (72,9%).

Dans le courant des années 1990, l’anglais régnait sur le web où sa part y était estimée à plus de 80%. Cette part, en pourcentage, s’est effondrée (lien).

En mars 2011, les locuteurs les plus nombreux à utiliser internet étaient : anglais (26,8%), chinois (24,2%), espagnol (7,8%), japonais (4,7%), portugais (3,9%), allemand (3,6%), arabe (3,3%), français (3%), russe (3%), coréen (2%).

La clé de ces chiffres ? Entre 2000 et 2011 :

• L’anglais a progressé sur le web de 301%
•… Mais le chinois de 1479%
•… Et l’arabe de 2501%

Les paramètres

• le nombre total de locuteurs d’une langue
• le taux de connexion lié au niveau de vie

Un autre écueil guette l’anglais, mentionné par David Graddol dans son livre «the future of english“

Un scénario catastrophe, dans lequel le monde entier se retourne contre l’anglais, en l’associant… à la destruction des cultures, aux atteintes aux Droits de l’Homme, à l’impérialisme culturel mondialisé et à l’accroissement des inégalités.

Différentes puissances coloniales ont connu ce type de réaction.

 

Vers une Tour de Babel anglophone ?

 

 

Mais de quel anglais parlons-nous lorsqu’on évoque l’hégémonie de l’anglais ?
L’anglais littéraire est-il le même anglais que cet anglais bourré d’acronymes que l’on trouve sur les forums de geeks ? Ces deux anglais sont-ils même capables de se comprendre ?

D’ailleurs cette hégémonie de l’anglais a elle-même une contrepartie (cf- Net-Lang ):

Plus une langue est parlée sur un vaste territoire, plus elle aura tendance à se diversifier et à se fragmenter

… avec la conséquence que la partie véhiculaire de la langue ainsi atomisée ne subisse l’outrage de l’hyper-simplification dont le globish actuel, sur la base de ses 1500 mots, n’est probablement qu’un moindre mal en attendant pire.

Ce phénomène pourrait apparaître comme l’autre facette, finalement assez logique, de l’imprégnation des langues de la planète par l’anglais qui en retour perdrait progressivement son identité dans ces hybridations.
L’anglais deviendrait ainsi un multilinguisme à lui tout seul, allant d’une langue littéraire riche et classique à une forme de globish en passant par toute une gamme de langages de spécialités, par toute une palette de dégradations, auxquelles s’ajouteraient les anglais frustes et hésitants de tous ceux qui ne le pratiquent que de façon occasionnelle… et qui peuvent être hispanophones ou chinois.

Ironie de l’histoire, les anglais pourraient être amenés dans le futur à devoir apprendre cette lingua franca anglophone pour accéder aux échanges linguistiques internationaux.

L’avenir des langages (et donc accessoirement du nôtre) peut donc s’envisager à partir d’une convergence entre la pénétration virale des différentes langues par l’anglais et la déstructuration progressive de l’anglais lui-même.

Ce double phénomène peut constituer la toile de fond d’une attaque multiforme contre le langage  traditionnel que nous avons pratiqué, que nous pratiquerons peut être de moins en moins, et dont nous allons tenter d’isoler les composants dans plusieurs articles dédiés.

 

 

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