imaginaire technologique: l’insecte attendait son heure

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Avec le développement des recherches en robotique, intelligence artificielle et technologies du vivant, l’émergence de l’insecte dans l’imaginaire technologique était comme une évidence en attente de révélation.


l’insecte et la robotique


Le robot “matériel” le plus rapidement opérationnel a été le drone… dont l’inévitable miniaturisation amène à l’insecte. La description du programme Deepfly  précise quelques-uns des “motifs” ce cette évolution…

 

“En tant qu’organisme modèle, la mouche présente un bon compromis entre docilité et complexité”. “Si nous comprenons comment elle accomplit ses actions, nous pourrons apporter une importante contribution à la robotique et à la médecine. Et de manière peut-être plus importante, nous pourrons acquérir ces connaissances en un laps de temps relativement court.”
Résumons-les: compromis entre adaptabilité et complexité, miniaturisation, débouchés opérationnels à court terme.

l’intelligence artificielle


L’émergence de l’insecte dans l’imaginaire technologique doit beaucoup aux insectes dits “sociaux” (fourmis, termites, abeilles) dont le modèle est d’autant plus actif qu’ils apparaissent comme des “robots vivants”. S’en dégage le corollaire de l’insecte social: l’essaim.
Les essaims artificiels d’aujourd’hui sont encore des drones d’une certaine taille, mais il ont vocation à être miniaturisés, à l’image des ordinateurs  ou des nanosatellites .

 

Depuis le 23 juin (2017), six nanosatellites, les plus petits satellites jamais conçus, flottent en effet en orbite basse autour de la Terre. Ils ne pèsent pas plus de quatre grammes chacun. Ils se présentent sous la forme d’une carte électronique de 3,5 cm de côté sur laquelle sont intégrés des cellules photovoltaïques, des capteurs, un microprocesseur et un transmetteur radio.
Les concepts et démarches sont ici aux antipodes de l’intelligence artificielle telle qu’on l’envisage habituellement. Dans un essaim, les “individus” sont autonomes, l’intelligence de chacun est faible, ses capacités de communication également, limitées le plus souvent à ses voisins immédiats. Les “individus” ne sont pas connectés à une commande centralisée. Ils n’ont pas la connaissance globale du système dans lequel ils coopèrent (le terme “individu” peut désigner un insecte social aussi bien qu’un robot). L’idée d’essaim s’impose d’autant plus facilement:
  • qu’on sait qu’elle fonctionne dans la nature, chez les insectes, mais aussi chez les oiseaux ou les poissons… et même depuis un demi-milliard d’années pour les tribolites

 

 

  • que les explorations dans ce domaine sont plus rapidement accessibles que dans des IA à visées plus globales (voir cet exemple d’un essaim de 1000 robots mobilisés pour faire un dessin )
  • qu’elle s’appuie sur l’intelligence distribuée  que l’on retrouve dans des problématiques les plus diverses, jusqu’à celle, très à la mode, de la blockchain.

les technologies du vivant


L’insecte, dans sa dimension de “robot naturel”, s’impose de lui-même comme un pivot entre la technologie et le vivant:
  • (**) Plusieurs projets de robots pollinisateurs sont en cours. Le dernier en date vient de la chaîne d’alimentation américaine Walmart.
  • (**) Bill Gates aurait pour projet d’éradiquer le paludisme en détruisant les moustiques porteurs de la maladie par la modification génétique de moustiques mâles.
  • Le programme Insects Allies, lancé en 2016 par la DARPA (agence de recherche de l’armée américaine), consiste à modifier génétiquement des plantes par l’action d’insectes porteurs de virus génétiquement modifiés.
Dans des écosystèmes où s’impose l’idée que “le bas détermine le haut”, l’importance perçue de l’insecte va grandissante .

l’insecte et l’imaginaire technologique


Dans les sphères du pouvoir, l’imaginaire technologique a pour tâche implicite de renouveler une mythologie de la puissance. Les applications d’un “nouvel imaginaire” concernent ainsi toujours, en premier lieu, les domaines militaires – et par extension policiers – (ce fut le cas tout au long de l’Histoire).
Ce robot-libellule  fut ainsi lancé par la CIA dans le courant des années… 70 !
L’araignée de surveillance du film “Minority Report”, c’était en 2002, mais sa soeur jumelle a été créée par BAE system, une entreprise travaillant pour la défense …
Dans un genre un peu différent, ce scarabée  est lui bien vivant, mais utilisé comme véhicule de transport de détecteurs divers et variés.
Mythologie de la puissance: l’insecte, les essaims et les drones sont aujourd’hui omniprésents dans les programmes de recherche militaires (DARPA , voir aussi ici ). Pour illustrer l’idée, regardons ce nuage d’oiseaux comme un zoom de drones miniaturisés et imaginons ce qui leur deviendrait possible dans un registre militaire.
… en gardant à l’esprit ce que peut faire un “simple” nuage de crickets.

quelques implications


En dehors des visions d’effondrement, la pensée du futur se nourrit principalement d’imaginaire technologique. Mais une fois installées dans les sphères du pouvoir, les croyances qu’il induit déclenchent des projets, des votes, des crédits. L’imaginaire technologique fabrique des valeurs qui amènent à des convictions d’avance ou de retard pour les firmes et les états. Il est ainsi potentiellement autoréalisateur.
  • L’explosion de credos transhumanistes, compris dans un premier temps comme le commencement de quelque chose d’inédit pour l’Humanité, est vite apparue comme un chant du cygne aux accents de méthode Coué, signalant la mutation radicale, mais inverse, d’une technologie en train de renoncer à vouloir “fabriquer de l’humain de synthèse”, mouvement dont témoigne le caractère de plus en plus désuet du robot humanoïde.
  • On essaie désormais, beaucoup plus modestement, de comprendre… un “asticot” … dont les capacités succinctes correspondent à celles qui sont requises pour l’intelligence en essaim:

 

Le projet MINIMAL financé par l’UE, lancé en 2014, s’est concentré sur les processus d’apprentissage d’un animal relativement simple, la larve de la mouche à fruits (asticots). Malgré ses 10 000 neurones en moins, cette créature est capable d’apprendre de façon rapide et flexible certains indices qui la conduisent vers les bonnes choses et l’éloignent des mauvaises.
  • L’insecte a pris dans l’imaginaire technologique la place laissée vacante par… l’humain. Le règne de l’intelligence distribuée commence. L’intelligence artificielle omnipotente va être rangée, sans doute définitivement, dans les archives des futurs non advenus.
D’où un autre regard sur l’insecte :
  • Les fourmis vivent sur terre depuis 100 millions d’années contre 7 millions d’années pour l’homo sapiens.
  • Le poids d’une fourmi se situe entre 1 et 5mg. L’estimation de leur nombre sur la planète (10 millions de milliards) amène au constat que le poids total des fourmis est égal… au poids total des humains.
… et les fourmis ne constituent qu’une petite partie du monde des insectes.

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