recueil des émotions: outils et méthodes
cataloguer les émotions
traquer les émotions
Rival Affectiva affirme avoir mesuré sept milliards de réactions émotionnelles à partir de 2,4 millions de vidéos de visage dans 80 pays.
émotions & Big Data
le recueil massif “classique” des données personnelles
- De ce qui est exploitable “en ligne”.
- Des données tangibles de l’individu (achat, recherche, messages, rencontre, déplacements – d’un côté – identifiants et formulaires – de l’autre -).
- De l’idée que les données s’inscrivent dans un contexte “normal”, donc reproductible. L’individu sera ainsi supposé refaire ce qu’il a déjà fait.
- Le Big Data ne fonctionne pas sur des relations de causalité, que les corrélations de jeux de données obtenues ne font que… “questionner”. Ces questions n’en sont pas moins fréquemment vendues comme des réponses… ce qui constitue le biais principal de la démarche.
le recueil des émotions
- L’observation concernera des manifestations physiques, les seules pouvant être posées comme authentiques, surtout par rapport aux écrits recueillis dans les réseaux sociaux
- À la différence des données classiques, les émotions ne sont pas intimement liées à des actions objectives, mais plutôt à des données de contexte
- Les émotions ne s’inscrivent pas facilement dans une normalité. Elles sont par essence instables et fugaces. L’émotion n’est pas supposée rester la même en présence d’un chien, avant et après… avoir été mordu par un chien. Devant un verre d’eau, elle n’est pas indépendante de la soif. Face à une perte d’emploi, elle n’est pas indépendante des moyens de vie dont on dispose par ailleurs … etc…
- Une émotion peut s’inscrire dans des corrélations, mais à la différence des données classiques on ne la conçoit qu’intégrée à une chaîne de causalités: un événement génère une émotion qui va induire une manifestation corporelle et éventuellement une action plus ou moins volontaire.
C’est la raison pour laquelle même des recherches aussi approfondies que celles de Paul Ekman se limitent dans leurs applications à … moderniser les détecteurs de mensonges, pourtant disqualifiés de longue date comme procédures d’investigation, la relation du mensonge à l’expression d’une émotion demeurant très incertaine. Mais il n’en demeure pas moins qu’on dispose dans ce cas d’un espace-temps réduit à l’intérieur duquel un stimulus “supposé identifié” (le mensonge) est susceptible d’être directement associé à une réponse corporelle. Or, cette relation essentielle est impossible à obtenir dans un recueil massif d’émotions.
que faire des émotions faibles?
Un peu en retard, j’ai peur de rater mon bus (anxiété). Je me dépêche (rythme cardiaque). Je repense à une dispute de la veille (irritation). Là, un enfant lâche la main de sa mère au milieu de la rue au moment où une voiture arrive (frayeur). J’appréhende la réunion qui m’attend au bureau (anxiété). Mon téléphone vibre (surprise). Ce n’est pas l’appel que j’espérais (déception). La lumière sur la rivière est magnifique aujourd’hui (…). Presque arrivé à l’arrêt de bus, je le vois s’en aller (découragement). Il est immédiatement suivi par un autre (soulagement)…
- Cependant, les émotions les plus spécifiquement intenses sont aussi les plus exceptionnelles (réciproquement, l’exceptionnel, de quelque nature qu’il soit, est producteur d’émotions). Leurs influences sur le comportement global sont ainsi probables, mais également peu utiles.
- L’intensité émotionnelle peut également découler d’une mise en résonnance d’émotions faibles, chacune agissant par exemple de la même manière sur le rythme cardiaque. Mais comment interpréter ce phénomène de l’extérieur?
recueil massif des émotions: le commencement d’une révolution?
- Les outils les plus en pointe dans le domaine de la détection font émerger le recours à un langage commun: l’image animée (de l’œil ou du visage). Remarque importante: ce langage est le même que celui de la reconnaissance faciale
(*) Clearview AI est connue pour sa base de données de plus de 3 milliards de photos extraites du Web
- L’emploi dans ce domaine des méthodes – et par là de la puissance – du Big Data impose la rupture des relations de causalité traditionnellement associées à la notion d’émotion qui supposent un espace-temps ingérable dans le domaine du recueil massif (la cause de l’émotion ne pouvant être identifiée et recueillie en même temps que l’émotion elle-même).
Pour pouvoir être exploitée, l’expression corporelle de l’émotion devra donc être saisie pour elle-même, sans relation à son motif. Une signification nouvelle sera obtenue par la voie statistique des écarts à la moyenne. L’émotion n’y sera perçue comme digne d’intérêt que lorsqu’elle sera particulièrement fréquente ou au contraire anormalement rare chez un individu, soit la seule procédure capable d’exploiter la finesse émotionnelle des typologies mentionnées ci-dessus.
… que nous allons tenter d’envisager dans le prochain billet.
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