Depuis un bon demi-siècle, on a beaucoup parlé de la fin des idéologies. Et bien nous y sommes. Mais qu’est-ce qu’un monde politique dénué d’idéologies?
La fin des idéologies c’est surtout le monde… d’une seule idéologie. N’étant plus confrontée à rien, elle est devenue implicite. Les politiques n’ont plus rien d’autre à y défendre que leurs propres intérêts. En quoi consistent-ils?
la classe politique
(*) Le salaire brut mensuel d’un ingénieur de recherche au CNRS se monte à 2 970.67€ en début de carrière, à 6 081.19€ en fin de carrière. Il s’agit de rémunérations offertes à des personnes dotées d’un très haut niveau de qualification.
Il n’est demandé à un parlementaire aucune compétence particulière. Pourtant:
- (*) D’après le site du Parlement européen, les élus perçoivent un «salaire» de 10 075,18 euros (avant impôts) ainsi qu’une indemnité de frais généraux s’élevant à 4 950 euros par mois.
- Selon les informations fournies par le site de l’Assemblée nationale, un député français bénéficie d’une indemnité brute de base de 5 931,95 euros, auxquels s’ajoutent des indemnités de résidence et de fonction, portant ainsi le total à un revenu brut mensuel de 7 637,39 euros.
- (*) «Par ailleurs, des indemnités spéciales, destinées à compenser des sujétions attachées à l’exercice de certaines fonctions, sont attribuées aux titulaires de différents postes». Pour prendre des cas concrets, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée et député des Yvelines, touche 15 335,89 euros brut d’indemnités parlementaires mensuelles. Eric Ciotti, à la fois questeur, député et conseiller départemental des Alpes-Maritimes, touche près de 16 000 euros brut par mois.
… et un niveau d’absentéisme qui ne serait toléré dans aucun autre emploi salarié.
Il est alors facile de comprendre pourquoi, quelles que soient leurs options philosophiques supposées, les politiques tiennent tant à conserver leur place, eux qui n’ont aucune véritable qualification… ni pour faire ce qu’ils font… ni pour justifier de gagner ce qu’ils gagnent.
Pour le politique, assurer la pérennité de son statut passe par la nécessité d’être “choisi”, d’une part par les instances de son parti, d’autre part par l’électeur – j’allais dire le consommateur -. Peut-être, d’ailleurs, aurais-je dû dire “le consommateur”, sa problématique (image, notoriété…) n’étant pas différente de celle d’un simple produit de consommation.
Autres remarques, autre question: Les politiciens actuels sont-ils de plus en plus malhonnêtes?
Ce serait logique s’il ne sont plus mobilisés que sur leur intérêt personnel.
Les faits de corruption ont doublé en France depuis huit ans, selon des chiffres officiels (Anticor),
Cependant, à l’instar de la question de leur niveau d’intelligence, qui se pose également – et parfois de façon aiguë – ce problème est sans doute secondaire. En fait, le politicien actuel moyen, produit d’une idéologie unique, n’est sans doute pas plus malhonnête – ni plus honnête – qu’une publicité, pas plus malhonnête – ni plus honnête – que beaucoup d’entreprises qui cherchent, par tous les moyens, à augmenter leurs marges, y compris en frisant l’illégalité, surtout lorsque celles-ci tendent à se réduire.
(*) Ce que l’on pourrait encore désigner de nos jours, dans les collectivités régies par la démocratie représentative, comme « pouvoir politique » naît ainsi avant tout d’une aptitude à la présentation.
Cette “aptitude à la présentation” ne prend son sens que vis-à-vis des médias qui conditionnent son existence même. Cette incontournable soumission aux médias le met face à deux logiques inconciliables… que le politique doit pourtant s’efforcer de concilier:
- Son mandat lui impose de gérer les problèmes sociaux. En cela, il devrait être attaché au “temps long”.
- Sa survie le rend dépendant du “temps court”… celui des médias… des événements… des émotions… de l’éphémère.
(*) Le rôle grandissant des médias audiovisuels dans la vie publique impose une simplification des délibérations politiques. Pour garder leur influence, gouvernements et partis soutiennent des engagements politiques de portée souvent limitée et pragmatique. Ils reprennent à leur compte l’agenda de mouvements sociaux poursuivant des buts sectoriels ou des demandes identitaires singulières. Ils évitent ainsi d’assumer des options politiques susceptibles d’être inspirées par des orientations doctrinales à plus large spectre.
L’idéologie, maitresse du temps long politique, ne peut se passer de projets d’avenir … qui n’existent plus nulle part. Elle n’est plus que simulée par des références à des thèmes-icônes: le féminisme pour la gauche, la sécurité pour la droite, les écosystèmes pour les écologistes…
L’agenda et l’efficacité de l’opinion publique sont entamés par la généralisation de la pratique des sondages qui circonscrit le champ des préoccupations, réduit le champ de la discussion publique et en exclut les questions fondamentales.
Les médias ne se nourrissant que “d’événements”, c’est-à-dire d’éphémère, les politiques se chargent d’ériger tout fait divers, un tant soit peu à la mode, un tant soit peu dramatique, en problèmes de société… dès lors habilités à entrer dans le champ de leurs prérogatives. Ce tour de passe-passe fonctionne d’autant mieux que l’émotion fait perdre la notion des ordres de grandeur (voir “quels seront les crimes de demain?”). Il en découle une inflation de normes et de lois parcellaires qui rend l’essentiel illisible.
(*) Tout sujet d’un « Vingt Heures » est virtuellement une loi. Un fait divers, une émotion quelconque, mais aussi un problème tangible provoquent une démangeaison législative plus ou moins rapide…/… Ces lois purement réactionnelles sont, par nature, des lois impensées…/… que la loi existe suffit, sans considération de son contenu.
Le “temps long” est devenu l’esclave du “temps court”… lui-même en voie de disparition (voir “pourquoi l’évènement est-il une espèce en voie de disparition ?”).
que reste-t-il alors au politicien d’aujourd’hui?
(*) Les sites et blogs politiques enregistrent des taux de fréquentation et de participation assez décevants alors que, dans un même temps, circule une profusion d’images humoristiques, sur le mode du bêtisier politique, qui rencontrent un succès considérable.
Et pendant ce temps, tous les secteurs sont à la dérive… y compris les comptes publics.

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