Le “vrai”, quand on y croit, est supposé découler de l’objectivité, elle-même supposée “commencer” par une perception juste des faits et des données.
un être vivant ne peut pas… ne pas percevoir
Ce qui signifie que :
- La perception de son environnement n’est pas – à priori – finalisée. La plus grande partie de ce qu’il perçoit ne lui sert à rien. En outre, l’idée qu’il se fait de l’utilité d’un objet ou d’un phénomène perçu à un moment donné est susceptible d’être influencée.
- En dehors de l’utilité, la perception peut imposer des impressions et états d’esprit qui alimentent la subjectivité
- L’humain ne peut pas s’abstraire des acquis de son expérience et notamment des “concepts” qu’il a appris très tôt à attacher à toute perception. Ainsi, pour lui, toute perception n’est prise en compte qu’assortie d’une interprétation. Pour lui, la perception brute n’est ni mémorisable ni communicable. À la limite, elle n’existe pas.
- La perception de l’humain s’exerce dans un registre limité à ses cinq sens. Leurs performances ne peuvent pas être augmentées de façon significative.
Pour la machine, c’est le contraire en tous points:
- Les capteurs – équivalent des sens – ne lui sont implantés et calibrés que dans la perspective d’une utilisation particulière
- Une machine ne ressent rien
- Pour elle la perception n’existe que sous forme de “données” dénuées de toute interprétation … soit la base d’une possible objectivité… mais qui n’existera qu’aussi longtemps… qu’elles resteront inexploitées. Car si les données elles-mêmes peuvent être objectives, la sélection qu’on leur applique et l’algorithme qui va leur donner un sens seront liés aux présupposés d’un résultat à obtenir.
- Le robot est – ou sera – en mesure de concentrer tous les modes de perception imaginables (vue, odorat, sons, distances, mouvements, ondes électromagnétiques, infrarouges, ultra-sons…etc…) et d’augmenter indéfiniment leur acuité.
objectivité et complexité
(*) L’apparence d’un arbre changera à mesure que l’on s’en approche, mais l’arbre lui-même ne change pas …/… L’objet devant moi ne disparaît pas simplement parce que les lumières sont éteintes…
Ce faisant, il est possible que la trajectoire du raisonnement le voue, dès son origine, à manquer sa cible. L’objectivité peut se concevoir, voire se discuter, autour de ces expériences perceptives simples, mais il lui est impossible de cohabiter avec la complexité d’une perception ou d’une interprétation. Tout ce qui engage un doute, un arbitrage, des hypothèses ou des jugements de valeur ne débouchera jamais sur un traitement objectif.
Une définition de la complexité pourrait même en découler comme: “ce qui commence quand l’objectivité n’est plus possible”.
(*) Nos propres données sensorielles sont façonnées et structurées par un cadre théorique, et peuvent être fondamentalement distinctes des données sensorielles des scientifiques travaillant dans un autre. Là où un astronome ptolémaïque comme Tycho Brahe voit un soleil se coucher derrière l’horizon, un astronome copernicien comme Johannes Kepler voit l’horizon se déplacer jusqu’à un soleil stationnaire. Si cette image est correcte, alors il est difficile d’évaluer quelle théorie ou quel paradigme est le plus fidèle aux faits, c’est-à-dire le plus objectif.
Qu’amène alors la perception artificielle du point de vue de l’objectivité?
- soit on va s’efforcer d’en prendre en compte le plus grand nombre possible et… entrer dans la complexité… qui exigera hypothèses et jugements de valeur.
- soit on va procéder à une réduction à priori des données prises en compte, rompant ainsi avec la neutralité de la démarche.
De la même façon qu’une vérité incorporée dans une chaîne de mensonges peut améliorer la crédibilité d’un discours sans pour autant le rendre globalement sincère, l’objectivité ne peut se limiter à une séquence telle que la perception brute pour valider l’ensemble d’une analyse. La perception artificielle n’amène – et ne pourra jamais amener – à une certaine objectivité, que sur l’analyse de problèmes simples… ou simplifiés.
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