Qu’est-ce que la vitesse?
Dans l’idée, la vitesse c’est çà
Dans les faits, la vitesse c’est çà
Beaucoup de temps est consommé pour créer les conditions de la vitesse (en amont) ou pour assumer ses contreparties (en aval).
- Rouler à 130km/h sur l’autoroute… mais après avoir passé une heure dans les embouteillages pour s’extraire de la ville
- Effectuer un voyage éclair en avion… mais aller jusqu’à l’aéroport… une heure avant le départ pour raisons de sécurité… puis nouveau déplacement à l’arrivée… et idem au retour.
- Effectuer un travail en urgence… puis attendre un mois sa validation
- Acheter en quelques clics sur internet… puis attendre quinze jours une livraison
Notre société est beaucoup plus lente qu’elle ne parait. La vitesse s’y apparente… à celle du golf… Et cela peut s’expliquer.
Certaines séquences sont plus faciles à accélérer que d’autres. C’est donc celles qui l’ont déjà été qui ont le plus de chances de l’être encore: les robots se sont installés le plus facilement là où les machines-outils avaient déjà remplacé des tâches manuelles, elles-mêmes déjà accélérées par les spécialisations du taylorisme.
Cette “sur-accélération“ appliquée aux tâches qui sont déjà les plus rapides affecte ainsi de moins en moins la durée du cycle global… et les séquences foncièrement lentes tendent à le rester.
Ne retenir que la séquence rapide d’un processus globalement lent… c’est de l’idéologie.
La lenteur dans l’entreprise
Dans l’entreprise, le lancement d’une séquence rapide passe par une décision.
Dans l’idée, une décision c’est çà
Dans les faits, une décision c’est çà
On ne s’est sans doute jamais autant réuni qu’aujourd’hui dans toute l’histoire de l’humanité. Cette phase du processus n’a pas subi d’accélération significative… et n’en subira probablement pas de sitôt.
La future lenteur du social
Au niveau domestique, la lenteur se révèle à partir d’une évidence mathématique: si nous faisons de plus en plus vite ce que nous avons à faire et que les journées continuent à faire 24 heures, il reste de plus en plus de temps pour faire… très peu de choses… donc pour les faire lentement (lien)
Nous avons gagné 30 heures par semaine sur le temps de travail depuis la révolution industrielle. Qu’en avons-nous fait ? 28 heures sont dédiées à la télé !
Et puis, si les prophéties convergentes des spécialistes se réalisent et que nous sommes effectivement à la veille d’une destruction massive d’emplois en cols blancs, après celle des emplois industriels, de moins en moins de gens vont être concernés par la vitesse dans l’entreprise, sous quelque forme qu’elle se présente.
En se “financiarisant“, en rompant le lien de l’emploi et le lien de l’impôt, la grande entreprise d’aujourd’hui, celle qui “fait la pensée unique“, tend à se déconnecter du social. Ses valeurs propres, notamment la vitesse, devraient logiquement faire de même.
Et puis… la population mondiale vieillit et va vieillir encore.
La lenteur: une nouvelle modernité?
L’idéologie de la vitesse repose sur un filtre de lecture qui consiste à sélectionner la séquence la plus rapide d’un processus plus large… et d’assimiler l’ensemble à la partie. On retrouve ce même mécanisme dans celle de la réduction des coûts. La séquence courte prévaut parce qu’elle est plus facile à appréhender.
Or, la pensée environnementale a d’ores et déjà une certaine influence sur l’idéologie dominante.
- Les thèmes de l’énergie, des ressources et des espaces naturels valorisent plus ou moins directement la lenteur
- L’idée d’écosystème a amené la valorisation de l’approche globale… donc la suspicion vis à vis des séquences courtes
- Ainsi, l’image de la lenteur évolue.
En négatif, l’inutilité voire le ridicule de pratiques addictives comme le zapping ou la consultation compulsive des smartphones pourraient amener le plus grand nombre à progressivement “assumer la lenteur “.
Appuyée sur des contraintes d’environnement qui lui donne authenticité et lignes de force, le design associé à la lenteur est en train de s’approprier l’image de la modernité (voir les exemples du Solar Impulse II, cet avion solaire qui se propose de faire le tour du monde sans carburant, ou celui du Solar Powered Boat)
La lenteur est peut-être en train de devenir une valeur à part entière autant qu’un fait social. Mais son essor, finalement plutôt probable, ne doit pas s’assimiler trop vite à du bonheur. La lenteur à de multiples visages: celle du poète n’est pas celle du vieillard, celle du SDF n’est pas celle de l’écolo, celle du pauvre n’est pas celle du riche.
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