l’incertitude physiologique: les états modifiés de conscience
Qu’est-ce qu’un état modifié de conscience? Posons qu’un état modifié de conscience suppose une interaction inédite entre les processus de perception, d’interprétation et de motricité de l’individu. Cette notion, très en vogue actuellement, est invoquée notamment pour décrire l’état d’hypnose, mais de multiples situations peuvent lui être associées (psychotropes, fanatisme, folie, addiction, souffrance, stress, états dépressifs…) et par extension tous les “ sentiments intenses ” d’amour, de haine, de colère, de peur …. On va enfin retrouver un état de ce type lorsque l’individu va être immergé dans un environnement inhabituel: milieu aquatique, obscurité, apesanteur ou … réalité virtuelle.
Tous les chercheurs en neurosciences s’émerveillent quotidiennement et à juste titre des extraordinaires capacités du cerveau, capable de se reconfigurer lui-même en permanence (voir par exemple sur cette video). Il serait donc capable de s’adapter à n’importe quel environnement? Pourtant, l’adaptation humaine à l’apesanteur n’a jamais été vraiment résolue en dépit de la mobilisation de moyens considérables (voir lien), la plongée sous-marine continue de nécessiter de fastidieux paliers de décompression (lien)… Ainsi, sous des dehors d’extrême plasticité, l’organisme humain ne se prête pas sans dommage à toutes les manipulations.
Au minimum, l’acceptation d’un nouvel environnement suppose une phase d’acclimatation, consommatrice de temps, ce qui dans la pratique, n’est admissible que comme préalable à une durée importante d’immersion continue. Pour ce qui concerne les environnements virtuels, cette condition ne semble pouvoir être réalisée qu’en situation d’addiction. En dehors de cela, les contraintes de la vie courante vont être de nature à provoquer de multiples allers-retours entre deux environnements (le matériel et le virtuel), ce qui va gêner aussi bien “ l’installation physiologique dans chaque milieu ” que le recours à des phases de transition supposées pouvoir la permettre.
On connait déjà le phénomène du cybermalaise, peut être n’a-t-on pas pris encore toute la mesure des problèmes susceptibles d’apparaitre dans la vie quotidienne en dépit des alléchantes promesses de cette nouvelle voie d’évasion.
l’incertitude technique: contenus et mise à disposition
On lira à propos des casques dédiés à la réalité virtuelle
Si l’image n’est pas assez fine et les clignotements trop nombreux, les maux de tête sont garantis ; à l’inverse, pour avoir une image tellement propre et naturelle qu’elle trompe le cerveau, il faut davantage de puissance, et potentiellement des appareils plus lourds, plus chers, ou qui chauffent davantage à l’usage.
… et les ressources-réseau nécessaires à une diffusion fluide
… et des coûts de production de contenus extrêmement élevés
Et pour finir l’ultime question: “ la promenade va-t-elle suffire au bonheur des consommateurs? ”, car l’immersion suppose que l’observateur soit “ acteur ”, ce qui correspond à la situation du jeu où à celle de la déambulation.
On imagine les chocs superbes que pourrait nous offrir le National Géographic, ou l’urbain virtuel que nous proposerait une version améliorée de Google Street View. On imagine des “ mondes impossibles ” de synthèse qui s’offriraient à nos évolutions.
On sent moins par contre l’affectation de ces procédés aux oeuvres composées, scénarisées, ainsi qu’aux situations où le cerveau “ sait ” qu’il n’est pas “ là ”, par exemple au milieu du terrain dans la retransmission d’un match de football. En un mot, le procédé semble mal adapté … aux types de programmes les plus regardés du moment.
Ultime question: comment s’intègrerait l’indispensable publicité dans ce nouveau média, d’autant plus indispensable que les coûts de production des contenus seraient très élevés? Par des films publicitaires à très haut budget? Par des surimpressions classiques de type réalité augmentée, mais forcément perturbantes pour une immersion… déjà difficile à obtenir?
Ce qui parait certain, c’est que chaque pièce de ce puzzle sera coûteuse en elle-même, surtout au début, pour un retour sur investissement qui restera très incertain aussi longtemps que toutes les pièces n’auront pas été mises en place. Malheur aux pionniers.
les GAFA et la réalité virtuelle
L’hypothèse selon laquelle l’économie se définit aujourd’hui par la façon dont une entreprise s’articule aux GAFA s’appuie sur ces chiffres
Les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) sont devenus des puissances planétaires. Si elles étaient un Etat, elles pèseraient autant que la Thaïlande qui se positionne au 32e rang mondial, et pourraient être d’ici 2020 la première puissance économique du monde …/… la capitalisation boursière des GAFA dépasse cette année de 200 milliards celle des entreprises du CAC40. Elle était encore inférieure de 300 milliards il y a un an !
On pourra compléter ce propos par la lecture de ce billet “ 10 choses à savoir sur les GAFA ”
Que se passerait-il si les GAFA se désintéressaient de ce secteur? Impensable? Sans doute, mais peuvent-ils véritablement l’investir?
Les GAFA font la loi, mais ils n’en sont pas moins prisonniers des processus liés la “ très grande consommation ”. Le succès ou l’échec du lancement d’un produit dans ce secteur se mesure aux millions d’unités vendues dans les premières 48h.
Dans le cadre d’un marché de grande consommation, il sera impératif que, non seulement tous les problèmes envisagés ci-dessus soient totalement résolus dès la mise à disposition… mais qu’ils le soient à moindre coût. Dans le cas contraire, les casques de réalité virtuelle pourraient, pour longtemps, ne concerner que les gamers, et l’immersion que les versions haut de gamme du home-cinéma.
Mais si les géants de l’électronique ne vendent pas des casques de réalité virtuelle… que vont-ils trouver à vendre de suffisamment complexe pour s’assurer des monopoles aux revenus élevés et reproductibles?
Et si… les GAFA n’étaient pas éternels? Impensable ? (voir “ l’irrésistible attraction des tendances courtes ”)
en guise de conclusion provisoire
L’avenir des environnements virtuels n’est donc pas écrit. Pourtant il est difficile d’imaginer qu’il puisse ne rien se passer autour de cette idée.
Donc… place à l’imagination futurologique.
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