définition et contours du concept de percolation
La percolation, bien connue des amateurs d’expresso, est aussi une théorie à caractère mathématique (due au mathématicien J.M. Hammersley -1956), s’attachant à la métamorphose de systèmes physiques et ayant pour finalité leur modélisation.
Partez pas ! Nous n’allons pas nous aventurer jusque là (j’en serais d’ailleurs bien incapable).
Son objet d’étude: un milieu dans lequel progresse un fluide, une information, une certaine influence qui, en atteignant un seuil (dit “seuil de percolation“), modifie radicalement la nature du milieu.
l’exemple de l’épidémie
Soit un milieu humain à l’intérieur duquel progresse une maladie contagieuse. Disons une forme de grippe.
Il faut considérer que les individus composant cette population
• peuvent être résistants ou non au virus
• peuvent entrer en contact ou non avec lui
Ces conditions relèvent d’une approche probabiliste quant à ce qui se passe au moment de chaque rencontre entre individus.
Posons le virus comme présent dans un village isolé de montagne. La maladie peut y rester confinée et s’y éteindre sans n’en être jamais sortie. Hormis les gens résistants, tous les habitants seront touchés.
Mais ce village ne sera jamais totalement isolé. Le facteur, le bibliobus, les habitants qui vont vendre ou acheter à la ville la plus proche transmettront le virus au-delà des limites du village.
Ces personnes peuvent être porteuses ou non, en contact avec un nombre plus ou moins grand de personnes extérieures, qui peuvent elles-mêmes être résistantes ou non. Nous retrouvons là le jeu de probabilités évoqué ci-dessus.
D’autres zones, d’autres territoires plus ou moins larges où le virus s’est installé vont évoluer de la même façon.
Le pays va comporter des zones de toutes tailles touchées par la maladie, mais également, pendant un certain temps, des zones où la population sera totalement épargnée.
Plus le virus va se répandre, plus il sera “facile“ pour une personne épargnée d’être contaminée de façon détournée.
L’idée de la percolation est qu’à l’approche d’un seuil (dit “seuil de percolation“), il suffira que quelques personnes supplémentaires soient touchées par le virus pour que la maladie se propage partout.
l’effet de seuil
La percolation ne s’attache pas seulement à une progression virale, mais également à la présence d’un effet de seuil qui conditionne un changement d’état.
Par exemple: soit un film à l’intérieur duquel on glisse une image extérieure sans rapport avec lui.
Si le temps d’exposition du spectateur à cette image est très faible, elle n’est tout simplement pas perçue. Si le temps d’exposition est progressivement augmenté, on va atteindre un seuil où l’image va être perçue de façon subliminale, c’est-à-dire de façon inconsciente. Si le temps d’exposition est encore augmenté, on va atteindre un second seuil où la perception de l’image sera complète et consciente. (Pour mémoire, il a été établi que ces seuils varient, entre autres choses, selon les individus.)
percolation et légitimité des nouvelles pratiques sociales
La percolation est associée à tout processus où la progression linéaire d’un paramètre provoque, en atteignant une valeur donnée, un changement d’état dans le système de référence, par exemple en chimie dans un processus de transition de phase comme la gélification.
Né dans les sciences dures, le concept de percolation a été progressivement utilisé dans de multiples domaines dont, heureusement pour notre propos, les sciences humaines:
Il apporte une réponse aux limites des modèles économiques traditionnels qui peinent à expliquer le passage de l’individuel au collectif. Sur un réseau, la théorie de la percolation étudie à l’échelon global (macro) les effets d’actions locales (micro) (lien)
L’idée de percolation apparaît donc bien adaptée à l’étude de l’évolutions des pratiques sociales.
L’intérêt de la percolation pour l’approche du futur
Le concept de percolation se situe à l’articulation des principaux “ressentis“ de la prévision.
On y trouve:
• une progression de type virale comme celle des nouvelles idées, des nouvelles pratiques, de l’adoption de nouvelles technologies…
• un effet de seuil susceptible de donner une consistance au terme, souvent abusivement utilisé, de “rupture“
• une dimension systémique, combinatoire et probabiliste qui contredit le caractère infantile de certaines projections appuyées sur des relations de cause à effet directes voire simplistes.
• l’expression d’une continuité telle qu’elle pourra être rétro-interprétée par les historiens du futur
Au final, la percolation est le complément idéal du concept de légitimité, retenu par ailleurs (lien) dont il permet d’appréhender les évolutions et les changements d’état. Nous y reviendrons.
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