ressources et nanotechnologies
Émergente avec le rapport du club de Rome, la question des ressources, bien que transformée, est devenue un passage obligé pour toutes les problématiques de recherche. Que leurs motivations soient économiques ou écologiques, sociales ou sanitaires, les chercheurs de toutes spécialités s’efforcent aujourd’hui de trouver de nouveaux principes d’économie et d’optimisation dans l’exploitation des ressources naturelles ou technologiques. Or, l’approche à l’échelle nanométrique apparaît comme la plus prometteuse vis à vis de cet objectif. Un exemple concernant la recharge des batteries (source): [dropcap type= »circle » color= »#COLOR_CODE » background= »#COLOR_CODE »]“[/dropcap]Storedot a dévoilé cette semaine un prototype révolutionnaire permettant de recharger un smartphone à 100% en 30 secondes …/… fondé sur la découverte d’une nouvelle génération d’aimants de taille nanoscopique (“nanodots“) …/… qui peuvent s’infilter entre les atomes de carbone des électrodes, créant une nouvelle génération de batteries jusqu’à 100 fois plus performantes Un exemple concernant la conversion de 80% du rayonnement solaire en énergie électrique (source)
Le convertisseur mis au point par le MIT permet de mieux utiliser l’intégralité du spectre solaire et notamment les longueurs d’onde qui n’interagissent pas normalement avec le silicium. Cette technologie permet de dépasser la limite théorique dite de Shockley-Queisser
Bien que leur place y soit prépondérante, ce type de démarche ne concerne pas que les seules nanotechnologies. Ainsi l’exemple suivant (source). Une méthode s’appuyant sur la technologie laser et permettant de générer des impulsions qu’il est possible d’imbriquer les unes dans les autres a été mise au point par deux chercheurs de EPFL. Elle permet de multiplier par 10 le débit de l’information numérique circulant dans la fibre optique, alors que le débit possible dans celle-ci plafonnait. Dans tous les cas, l’objectif avoué des chercheurs consiste à «…exploiter la totalité de la capacité d’une ressource ou d’une technologie» Ce qui appelle une question plus générale: «qu’est-ce que la totalité d’une capacité?».
qu’est-ce qu’une ressource normale?
Sachant que les processus évoqués ci-dessus relèvent d’un principe que l’on ne peut mieux résumer que par le terme de “dopage“, la question posée devient : « le non-dopage d’une ressource est-il assimilable à un gaspillage? » Il y a du paradoxe dans cette question, mais surtout pour des raisons idéologiques. Les concepts de dopage et de gaspillage, deux dérives, deux icônes de l’anti-nature, se retrouvent, en effet, face à face dans le futur de l’environnement. Mais une dérive ne se mesure que par rapport à ce qui figure la normalité. D’où la nouvelle question: «qu’est-ce que l’exploitation “normale“ d’une ressource?». Cette idée-là a-t-elle un sens? Car si elle n’en a pas, le dopage n’en a pas non plus. Il faut bien sûr rester méfiants face au caractère auto-promotionnel d’annonces de ces nouveaux possibles, fréquemment issues de start-ups en quête de financement, mais les principes existent… et les questions qu’ils soulèvent aussi.
devenir une ressource
Le dopage peut “transformer en ressource“ quelque chose qui n’avait pas atteint le seuil de puissance ou de rendement requis pour en être une, comme dans le cas de ce nouveau mode de fabrication de l’éthanol (source)
Un nouveau catalyseur à base d’oxyde de cuivre dérivé qui convertit le monoxyde de carbone en éthanol consiste en un réseau continu de nanocristaux de cuivre. Le catalyseur pourrait fournir une alternative écologique à la production d’éthanol à partir du maïs conventionnel.
… ou dans un autre registre, celui de la cellulose (source)
Les cristallites de la cellulose – la substance organique la plus abondante sur la planète – représentent une catégorie relativement nouvelle de nanomatériaux qui se taillent une place de plus en plus importante sur le marché. Ils sont en train de faire leur chemin dans au moins neuf industries, de l’aérospatiale à l’automobile en passant par les dispositifs médicaux et les produits pharmaceutiques.La cellulose nanocristalline offre des possibilités extraordinaires en raison de sa solidité, de ses propriétés optiques, de sa conductivité, de sa réactivité, de sa capacité à s’auto-assembler, de ses propriétés antimicrobiennes, de sa capacité à s’auto-nettoyer et de sa bio-compatibilité – des attributs qui peuvent tous être contrôlés.
… ou le dopage de la photosynthèse (source)
L’équipe de chercheurs du MIT a démontré que la capacité d’absorption du rayonnement solaire par les plantes peut être augmentée de 30% en incorporant des nanotubes de carbone dans les chloroplastes
Il devient possible de construire le chaînon manquant (comme celui du stockage de l’énergie) dans l’exploitation de… ce qui deviendrait alors une ressource illimitée (source CNRS)
Les chercheurs du laboratoire ont mis au point un matériau composite capable d’absorber l’hydrogène et de le stocker dans l’état solide.
la nouvelle vie du gaspillage
Jusque là, le gaspillage de ressource était un fait de consommation. Les actions à mener se répartissaient en trois grandes catégories
• sur les comportements: laisser couler l’eau ou l’éclairage dans des pièces inoccupées…
• sur les besoins et le confort: abaisser la température des locaux…
• sur les dispositifs de consommation: locaux, appareils, véhicules… moins énergivores
La ressource elle-même se posait comme dotée de propriétés et de possibilités d’exploitation qui lui étaient spécifiques. La ressource apparaissait comme une “donnée“, tant dans son statut (il y a des choses qui étaient des ressources et d’autres qui n’en étaient pas) que dans son niveau de performance (une bûche de bois en brûlant produisait une quantité “X“ de chaleur). Cette vision de la ressource vole en éclat avec les nanotechnologies. Tout est potentiellement “ressource“. Des matières inédites se fabriquent atome par atome. Toute matière peut se voir ajouter des capacités supplémentaires. Toutes les formes de rendements peuvent être dopées par des procédés nanométriques (voir «robotique & nanotechnologies: deux visions du robot du futur») … et tout ce qui devient “nouvelle ressource“… ne doit plus être gaspillé… et appelle dès lors une exploitation maximum. La boucle se referme.
Pourquoi cette évolution?… et pourquoi aujourd’hui?
D’abord évidemment parce que le perfectionnement de l’infrastructure technologique (connaissance, observation, modes opératoires…) a commencé à le permettre. Ensuite parce que cette idéologie a progressé par percolation (augmentation des rendements en agriculture, surrégénération dans le nucléaire, amélioration des rendements dans les énergies renouvelables, procédés de récupération, de recyclage …) questionnant de plus en plus l’idée de ressource. Enfin, et probablement surtout, le gaspillage qui a longtemps été un puissant stimulant de la demande tend à devenir anti-économique. Les économies permanentes vont de pair avec une augmentation continue des factures correspondantes, celles du particulier comme celles de l’entreprise. Le véritable réservoir de profit supplémentaire se trouve donc aujourd’hui au niveau de l’action sur la ressource elle-même.
quel futur pour l’écologie?
Le non-dopage des ressources va donc progressivement être admis comme source principale de gaspillage. Les sphères techno-scientistes, devenues dominantes dans la pensée environnementale avec le climat, vont se renforcer encore avec cette nouvelle problématique, ne laissant à la “pensée environnementale collective“ que la seule question des “risques“ (voir billet suivant), à partir de laquelle, elle aura beaucoup de difficultés à ne pas être absorbée par les idéologies conservatrices traditionnelles. C’est probablement la fin d’une certaine approche de l’écologie… ou le dernier stade d’un processus ancien envisagé par ailleurs, à partir d’autres tendances (voir «l’environnement: des métamorphoses à l’avenir d’une pensée») … Alors que le GIEC, lui-même, ouvre aujourd’hui la porte aux réponses les moins écologiques qui soient au problème du réchauffement.
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